mercredi 31 décembre 2008

Una année de lecture...

Une année de lecture, et tant de livres dévorés... Quatre-vingt-cinq au total, soit plus de sept par mois. Et dire que ça faisait trois ans que je n'avais plus trouvé ni le temps ni l'envie d'ouvrir un roman!

J'ai terminé mon challenge ABC 2008, j'ai lu au moins un livre par auteur et par lettre de l'alphablet, et souvent même plus d'un. Je ne pense pas retenter le défi l'année prochaine. J'ai bien aimé l'exercice, mais j'ai trouver certaines lettres trop contraignantes. Souvent aussi je me suis dit: "Bon, il faudrait que je lise ça", alors que j'avais d'autres envies de lecture. Ça m'a au moins donné un coup de pied au cul pour me remettre plus sérieusement à lire. Ça m'a aussi fait faire de très belles découvertes, et j'ai découvert des auteurs que je n'aurais jamais lu. J'ai découvert la littérature asiatique et je suis tombé en amour pour cette langue si différente de nos auteurs contemporains. J'ai fait de très belle découvertes pour des auteurs qui sont devenus pour moi des incontournables, comme Orsenna, Ogawa ou Vargas. Et j'ai en tête plin d'idées de lecture pour l'année prochaine...

Si vous avez envie de redécouvrir quelque-unes de mes découvertes de cette année, voici la liste (j'y ai ajouté aussi les livres que je n'ai pas pu commenter par manque de temps):
  • Vita Brevis: Jostein Gaarder
  • Le Fiancé de la lune: Eric Genetet
  • Des Chrétiens et des Maures: Daniel Pennac
  • Petite discussion avec une momie, E.A. Poe
  • Cent coup de brosse avant d'aller dormir: Melissa P.
  • Trafic de reliques: Ellis Peters
  • Harry Potter et la pierre philosophale: J.K Roalings
  • Harry Potter et la chambre des secrets: J.K Roalings
  • Harry Potter et le prisonnier d'Azkaban: J.K Roalings
  • Harry Potter et le goblet de feu: J.K Roalings
  • Harry Potter et l'ordre du Phenix: J.K Roalings
  • Harry Potter et le prince de sang mêlé: J.K Roalings
  • Harry Potter et les reliques de la mort: J.K Roalings
Wouaw! Tant que ça? Et bien j'espère que j'année prochaine me réservera autant de suprises. Et je vous souhaite à toutes et tous une très bonne année 2009...

Encres de chine: Qiu Xiaolong

Et c'est ainsi que je termine mon Challenge ABC 2008... Juste dans les temps!

L'inspecteur Chen, ancien universitaire à la tête du service des enquêtes spéciales de la police de Shanghai, a officiellement pris des vacances pour se consacrer à la traduction d'une proposition commerciale d'un projet d'urbanisme pharaonienne. Une offre particulièrement généreuse que l'on ne peut refuser, surtout lorsque l'on est employé par l'état en Chine dans les années 90: une somme importante, des avantages en nature et les services d'une petite secrétaire, une xiaomì, jeune étudiante avec qui il avait dansé dans une boite branchée.

Mais une affaire particulièrement brûlante tombe: Yue Lige, une ancienne garde rouge, devenue dissidente après la publication d'un roman autobiographique sur ses années de rééducation lors de la Révolution Culturelle, a été assassinée. Le gouvernement, qui souhaite en effet étouffer cette affaire et se décharger de toute implication politique, fait pression pour qu'un coupable soit rapidement arrêté. Aussi son adjoint, l'inspecteur Yu est seul à bord pour cette enquête délicate, aidé toutefois par sa femme Peiqin, grande lectrice, et par Chen qui tient à ce que son inspecteur ne soit pas seul dans la gueule du loup.

Entre affaires de voisinages dans une shikumen, bâtiment typique de Shanghai où se voit entassé sous le régime communiste un grand nombre de familles dans des chambres exiguës autour d'une cour centrale bruyante, et fastes des nouveaux riches branchés, cette affaire nous plonge dans la littérature chinoise classique.

Ce roman nous propulse dans un un univers gourmand où la gastronomie shangaïenne est décrite avec une précision gouleyante, nous fait côtoyer les grands poëtes classiques et ravive les souffrances de la Révolution Culturelle dont les plaies ne sont pas encore refermées trente ans plus tard, malgré l'ouverture à l'Occident, et en fait presque une satire sociale en mettant en exergue le fossé entres les nouveaux riches et les anciens pauvres. Un roman à l'écriture très intelligente, bien écrit et entraînant, nous faisant dans un monde que l'on ne connaît pas et nous faisant ressortir de cette lecture bien moins idiot.

Rien que pour la découverte de la culture chinoise, je le conseillerais. Lorsque dessus est greffé une enquête bien ficelée, je ne dirais qu'une chose, foncez.

mardi 30 décembre 2008

Un an déjà...

Et que de choses se sont passées, que de découvertes, que de rencontres, que de changements aussi. Il y a un an naissait ce journal, timidement, afin de partager mes lectures, après quelques années où j’avais oublié d’en ouvrir un, le temps et surtout l’envie manquant, un peu porté par un challenge littéraire en train de se terminer – le dernier des vingt-six livres avance bien. Un blog pas forcément voué à un grand avenir, comme beaucoup d’autres. Et pourtant, je suis toujours là, avec de nouvelles choses à raconter.

Dès les premières lignes j’ai adoré la littérature asiatique, et je me suis mis à dévorer tout ce qui me passait sous la main : une quarantaine de livres en un an… Et j’ai découvert de petites petites merveilles: Ogawa Yokô (que je connais maintenant mieux que ma voisine de bureau, pourtant japonaise et grande lectrice), Les années douces de Kawakami, Le Livre de Thé et le Cha Jing, Une si jolie robe de Wu Fan… J’ai découverts des auteurs que à la plume magnifique, comme Orsena, Shimazaki, Hobb et Vargas.

Depuis, beaucoup de choses ont changé, mon goût pour le thé est devenu une véritable passion: J'ai rencontré de nombreuses personnes intéressante (ça change), j'ai partagé de nombreuses expériences, et je me suis mis ici à parler de thé. Une passion, que dis-je, une addiction presque, et puis on se retrouve, à voyager avec une théière, un Bai Sui Xiang 2 à côté de la cheminée en Alsace.

Comme vous pouvez le voir, une nouvelle petite théière est arrivée pour Noël, de chez T'cha, en terre pourpre. Elle monte assez bien en température et apporte une belle rondeur à ce thé des rochers. Elle me semble aussi beaucoup plus lourde que mes autres théières avec ses parois relativement épaisses, même si elle ne fait que dix centilitres. Il va falloir que je trouve un filtre en métal à y ajouter, car elle n'a pas de filtre et que le trou assez gros au départ se rétrécit assez vite et des feuilles bouchent parfois le goulot. Je la réserverais pour les rochers faiblement torréfiés et les Dan Cong, peut-être les Baozhong.

Alors, je vous souhaite à tous une bonne année et j'espère pour ce blog une nouvelle année riche de découvertes livresques et théinées...

mardi 23 décembre 2008

Retour aux origines : Le Cha Jing, ou le Classique du Thé, de Lu Yu

Il est bien peu de boissons qui ait eu autant d'influence sur un peuple, une culture, une civilisation, plusieurs même... Il est bien peu de boisson qui ait une histoire aussi longue, remontant aux débuts de l'Histoire. Il est bien peu de boisson qui ait touché autant de monde à travers la terre entière, tellement qu'elle est la première après l'eau.

De la Chine à la Russie - du premier producteur au premier importateur, de la Ceylan au Chili (lisez donc la solitude lumieuse de Neruda), de l'Inde au Royaume-uni, en passant par le Japon, le Kenya, la Georgie, La Turquie, l'Iran et les Etats-Unis (comme quoi, cette boisson peut créer un pays et mettre une nouvelle vision du monde en marche)... Et nous, Français, aussi... Aussi est-il temps de revenir aux origine, au premier texte encore disponible sur le thé...

Depuis sa découverte légendaire par Shen Nong, l'un des trois augustes civilisateurs de la Chine, au XXVIIe siècle avant JC, le thé a suivi l'histoire de la Chine. Les premiers textes avérés parlant explicitement du thé datent de la Dynastie des Han (-200, 200), lorsque les premiers classiques chinois ont été compilés. Depuis, l'art impérial du thé a énormément varié :
  • la période classique du thé bouilli, qui remonte aux premiers écrits détaillé et encore en usage sous les Tang, lorsque le Cha Jing a été écrit.
  • La période romantique du thé battu, apparue sous la dynastie Song et qui s'est répandue à travers toute l'Asie grâce au bouddhisme et au taoïsme, et existe toujours sous la forme du thé Matcha.
  • La période naturaliste imposée par le premier empereur Ming qui a vue être interdite les galettes de thé et la promulgation par l'empire des thés en vrac et des théières.
Mais revenons-en à cet écrit fondateur, le Cha Jing, ou le classique du Thé. Il s'agit du premier traité jamais écrit sur le thé. Il a été écrit par Lu Yu entre les années 760 et 780, au début de la dynastie Tang.

Selon une légende populaire, Lu Yu était un orphelin du canton de Jinling. Il fut adopté par un moine bouddhiste du monastère du Nuage du Dragon. Préférant la doctrine confucianiste aux enseignements zen de son beau-père, Lu Yu fut régulièrement puni. Il finit par fuir et s'engagea dans un cirque ambulant. A 14 ans, un gouverneur local le découvrit et lui accorda la permission d'utiliser sa bibliothèque et d'étudier avec un précepteur. Favori de l'empereur, il aura la charge de la formation littéraire de l'héritier au Trône du Dragon. Après vingt ans de recherche, il publie cette œuvre unique. Il écrira aussi un livre sur vingt sources d'eau pure.

Ce livre est traité complet de la connaissance et de savoir-faire du thé en Chine à cette époque. Il reprend de manière très détaillée tout ce qui a trait à la culture impériale du thé en usage chez les lettrés du nord de la Chine. Car c'est en effet sous la dynastie Tang que le thé prend réellement son essor dans la population chinoise, tant au niveau de l'aristocratie que du peuple.

Ce livre est décomposé en 10 chapitres:
  1. le premier chapitre traite des origines du thé: une étude sur les origines mythiques du thé, mais aussi une étude horticole et une recherche étymologique assez poussée pour l'époque.
  2. Le second chapitre traite des quinze outils nécessaires pour réaliser le thé (récolte, pressage, séchage, conservation...)
  3. Le troisième chapitre traite de du procédé de fabrication des galettes.
  4. Le quatrième chapitre traite de matériel nécessaire pour la préparation du thé.
  5. Le cinquième chapitre traite de la préparation du thé.
  6. Le sixième chapitre décrit les différentes propriétés du thé, l'histoire de sa consommation et les différents types connus en Chine du Nord en ce temps-là.
  7. Le septième chapitre est une étude bibliographique sur le thé, rappelant les principaux écrits ou il est question du thé. Nombre de ces écrits sont aujourd'hui disparus.
  8. Le huitième chapitre cite les principaux lieux de production du thé et les classe par leur répartition géographique et la qualité de leur production.
  9. Le neuvième chapitre traite des phases qui peuvent être omises dans l'art de préparer le thé.
  10. Le dixième chapitre est un résumé et une conclusion à cet ouvrage.
Tout un programme, donc. Ce livre a déjà une véritable portée encyclopédique.

A l'époque, nous sommes en pleine période du thé bouilli, un mode de préparation qui n'est plus utilisé aujourd'hui, sauf au Tibet et par quelques peuplades nomades des steppes mongoles. Cette méthode, rendue surannée par les empereurs Ming, nous semblerait aujourd'hui totalement hérétique.

Le thé était longuement flétrit puis passé au wok. Il existait déjà des récoltes saisonnières. Les primeurs, et uniquement les primeurs, étaient nommés cha, les récoltes suivantes prenaient les noms de jia, she, ming puis chuan. Les feuilles étaient alors pressées et formées en galettes, pour faciliter transport. En effet, les régions dont étaient originaires le thé étaient des zones montagneuses du sud de la Chine. Mais on voit que sous les Tang, la production était déjà bien montée dans le nord et correspondait déjà à l'aire actuelle de répartition des production de thé. Chose étonnante, le Cha Jing ne parle pas du tout du Yunnan comme ère de production de thé. Pourtant c'est la zone historique et c'est sous les Tang que la route ancienne du thé est construite.

Avant de préparer le thé, les galettes sont torréfiées à même la flamme puis broyées en une poudre grossière de la taille du blé concassé, puis tamisée. Dans une marmite spéciale, l'eau est montée en température. Une cuillerée de sel est ajoutée. Il y a trois phases d'ébullition. A la première, des bulles de la taille d'yeux de poissons se forment (l'eau atteint la température de 70-75°). A la seconde ébullition , les bulles ont la taille de de perles attachées au bord de la marmite (on est à 90-95°). Une calebasse d'eau est retirée de la marmite, on touille et on ajoute une mesure de poudre de thé. Lorsqu'on atteint la troisième ébullition, l'eau bouillant déferle dans la marmite (100°), que l'on retire de feu. Si l'eau bout plus,elle deviendra impropre à la consommation. On ajoute alors la calebasse d'eau pour calmer l'ébullition tout en conservant l'écume. La première écume, noir comme le mica, est ôtée. La première tasse est appelée "saveur éternelle, n'est pas servie, sauf s'il y a trop de convives. Les trois prochaines tasses seront servies, et réparties entre les convives. Les suivantes ne seront pas consommées.

De nombreux points important pour nous amateurs de thé sont énoncé dans ce livre: l'importance de la qualité de l'eau (de l'eau de source plutôt que de l'eau de pluie ou de l'eau de puits), de son oxygénation (éviter les eaux des torrents trop violents), de la salinité, par l'ajout de sel (Stéphane avait déjà publié un billet la dessus suite aux expériences d'une fidèle lectrice). Lu Yu nous parle aussi de l'importance de la couleur de la poterie sur la couleur du thé et sur le ressenti (des idées reprises par Stéphane)...

On me rétorque souvent - surtout concernant le sel: j'avais fait à une époque des essais sur un jeune sheng de qualité médiocre pou voir justement l'effet de la salinité de l'eau, qui améliorait jusqu'à un certain dosage le goût du thé - lorsque je parle du Cha Jing que de toute manière, on ne prépare plus le thé ainsi, que le thé que nous connaissons n'est apparu qu'à la période Ming, et qu'il vaut mieux oublié tout ce qui y est écrit. Et pourtant, sur certain points, ce classique est assez intrigant. Certes le livre parle essentiellement d'art du thé impérial sous les Tang. Mais certaines lignes méritent d'être relevées:

"Le thé se consomme sous plusieurs formes: thé grossier, thé fin, thé en poudre, brisé, grillé, pilé, bouilli. Parfois, la poudre de thé est placée dans un flacon ou un récipient en terre cuite et arrosée d'eau bouillant: c'est le thé infusé."

"Il semblait qu'à Nanshi vit une vieille femme originaire du Sichan, qu'elle prépare et evnd sur le marcher du gruau de thé [i.e. en feuilles]. Les récipients qu'elle vendait avec ayant été brisées par un fonctionnaire local, elle vendit des galettes de thé."

"Quand vivait Yuandi des Jin vivait une vieille femme. Au point du jour elle préparait toujours une théière, puis elle gagnait la ville pour l'y vendre". Bon, il y a peut être une erreur de traduction, cha hù signifie théière mais aussi cruche à thé. Mais les premières théières sont arrivées au japon au IXème siècle par la Corée, ça laisse perplexe, non?

Tout ceci me fait me poser des question: comment le thé était-il préparé dans le sud de la Chine? Les premières références sur les wulongs datent de la dynastie Song, pourquoi pas avant? Le thé blanc en vrac est attesté au XIème siècle...

Mais avant de vous laisser sur toutes ces questions historiques, j'aimerais vous faire partager la dernière page du Cha Jing:

Recopiez avec respect ce texte dur de la soie blanche,
en quatre ou six section.
Accrochez-les sur le mur.
De cette manière, les origines du thé, les ustensiles, la fabrication,
la cuisson, la dégustation, les anecdotes,
vous pourrez tout relire en un coup d'œil, à chaque instant.
Le Cha Jing peut alors être considéré comme complet,
du début à la fin.


Note sur l'édition:

Cette édition est la seule encore publiée en France par Gawsevitch éditions. Mariage Frère en a l'exclusivité de la vente et la mise en page est magnifique. Le texte est commenté, et souvent cela aide à la compréhension et apporte des éclaircissement très intéressant.
Pourtant il y a un point qui m'a affreusement choqué, c'est la transcription des noms chinois. Ils se mélangent méchamment les pédales avec les méthodes de romanisation des sinogrammes. Parfois, pour un même mot, parfois dans la même page, elle diffère. C'est souvent un mélange entre les pinyin, Wade-Gilles et celle de l'EFEO. Parfois même on se demande si ce ne sont pas des amélioration des méthodes classique. Ça fait mal aux yeux.

Il y a aussi des points où la traduction semble mal faite, surtout concernant cette théière citée plus haut... Cela mériterait une clarification. Il parait qu'il y a une édition antérieure ou bien des éditions québécoises, bien mieux faites, mais qui ne sont plus publiées ou bien qui sont impossibles à se procurer en France. Dommage...

C'est quand même un livre dont je conseille de lire, ne serait-ce que pour sa portée historique, à tous les amateurs de thé...

Ce billet est une première version, il sera sûrement amélioré et illustré à l'avenir, mais je voulais le publier tant que mes idées sont bien claires.

mardi 16 décembre 2008

Le pied de Fumiko 富美子の足: Jun'ichirô Tanizaki

Ah! les textes de jeunesse de Tanizaki... Qui penserait que l'auteur du Coupeur de roseaux puisse avoir écrit cette nouvelle haute en couleur. Ce court texte de 1919 préfigure en quelque sorte son grand'oeuvre, son dernier roman, Le Journal d'un vieux fou. En pleine ère Taïshô, sous une forte censure de la presse et de la littérature, l'auteur nous fait part d'une de ses perversions personnelles, la podophilie (fétichisme du pied). Au court de ces années de jeunesse, l'auteur va se renseigner sur cette perversion qui lui semble au départ immonde, mais ses recherches vont lui montrer qu'elle est partagée par nombre de ses ancêtres et de ses contemporains. De là va naître une prose riche autour de ces perversions honnies par cette époque moralisatrice... Dans ce texte, l'auteur se dédouane de la paternité du texte en faisant de cette nouvelle un lettre qu'il a reçu d'un jeune artiste. Et pourtant, ce fétichisme est un sujet qui accompagnera bon nombre de ses textes tout au long de sa vie.

Tanizaki nous raconte l'attrait d'un vieux prêteur sur gage à la retraite pour le pied d'une geisha dont il a fait sa concubine, une passion dévorante qu'il va partager avec son neveu, le jeune peintre qui a rédigé ce texte pour Tanizaki. Le texte s'articule autour de la découverte d'Ô-Fumi-Ko et de la complicité qui va naitre entre le retraité et son neveu autour du fétichisme du pied parfait de la jeune geisha, une complicité qui aboutira à la réalisation d'un tableau mettant en avant le pied de la jeune fille, peu avant la mort du grabataire.

Un texte court original et haut en couleur, qui nous fait très vite oublié l'écriture un peu lourde et surrannée du grand maître japonnais. Et qui aurait pu croire qu'on puisse écrire un texte uniquement autour du pied...

lundi 24 novembre 2008

Also Sprach Zarathustra

Als Zarathustra dreissig Jahr alt war, verliess er seine Heimat und den See seiner Heimat und ging in das Gebirge. Hier genoss er seines Geistes und seiner Einsamkeit und wurde dessen zehn Jahr nicht müde. Endlich aber verwandelte sich sein Herz, - und eines Morgens stand er mit der Morgenröthe auf, trat vor die Sonne hin und sprach zu ihr also:



Also begann Zarathustra's Untergang.

Lorsque Zarathoustra eut atteint sa trentième année, il quitta sa patrie et le lac de sa patrie et s’en alla dans la montagne. Là il jouit de son esprit et de sa solitude et ne s’en lassa point durant dix années. Mais enfin son cœur se transforma, — et un matin, se levant avec l’aurore, il s’avança devant le soleil et lui parla ainsi [...] Ainsi commença la descente de Zarathoustra. (Le premier qui me parle de lion ou de cinéma file direct au coin... Puni! Et pas de Jukro au goûter...)

Comment mieux débuter ce thé que par un lever de soleil...

Troisième tome de la série des thés rouges que je découvre en ce moment, et certainement le plus exceptionnel. Il s'agit du Jukro du Palais des Thés, une petite merveille, un thé noir coréen, du comté littoral de Hadong, tout au sud de le Corée, et rien que cela mérite d'être souligné. En effet, la Corée produit essentiellement des thés verts, parfois compressés (Ddok Cha), extrêmement rares et essentiellement vendu sur le marché japonnais. Pour la petite histoire, le Jukro Cha a la réputation d'être une varitété spéciale de thés verts fait à partir des premiers théiers à avoir été historiquement planté en Corée. Et la version noir est réputée être le meilleur thé noir de Corée, entièrement récolté et transformé à l'ancienne.


Les feuilles sont noires, avec quelques reflets vert sombre. Elles sont légèrement torsadées, fines longues et très délicates. A l'odeur, après une petite note végétale, c'est du cacao et de la vanille plein le nez, et lorsqu'elles sont réchauffées, on croirait mettre son nez dans une boite de Van Houten, très chaud et aussi légèrement boisé. Une fois infusées, elles sont de couleur chocolat, et aux fortes notes cacaotées, chocolatées et vanillées s' ajoutent des notes de beurre, de lait et de crème, et une petite acidité fruitée.

La liqueur est relativement clair pour un thé rouge, de couleur orange doré. Des notes cacaotées puissantes et une douceur vanillée s'en dégagent. En bouche, le thé est très présent, très rond, avec une texture poudrée, on pourrait même y trouver une mâche qui rappelle un peu les thés des rochers ou les oolongs torréfiés. Et de la longueur à n'en plus finir. On s'en souvient le lendemain matin au réveil. La puissance aromatique est impressionnante, en comparaison, les autres thés noirs que je vous ait présenté me semblent fades et insipides. Du cacao à n'en plus finir (pas du chocolat, j'ai bien dit du cacao), une grande douceur de vanille et de crème fleurette chaude, presque de crème aux œufs maison. Par certains côtés, ça me rappelle les cuillères de Nesquick avalées à pleine cuillers (Ah! la jeunesse...). Sur la seconde infusion, des notes miellées, cirées et boisées apparaissent, et quelques notes de fruits, de prune peut-être? Et ce cacao qui reste en bouche pour des heures...

C'est tout simplement un thé exceptionnel, d'une puissance aromatique comme je n'en n'ai jamais rencontrées, sans aucune mesure, une chaleur extrême, réconfortante, de la gourmandise à l'état pur... Une merveille...

En passant, une photo des touts premiers gâteaux de Noël, cette année on a commencé par des butterbredla et des Zimtsternla (mais pas en forme d'étoile), et j'ai Célia a enfourné des Schokolàkegala (boule au chocolat)... Un délice...

vendredi 21 novembre 2008

Ma mère me disait: "Pas de sucreries avant d'aller se coucher"

Continuons ce petit voyage au pays de l'or noir quelques milles kilomètres plus au nord. Cap sur le Sichuan pour un Chuan Hong Mao Jian, un bourgeon duveteux des rivières. C'est une petite merveille que la Maison des Trois Thés a découvert l'an dernier et qui avait disparu en pas même deux mois. Cette année, ils en ont fait venir 20 kg, mais d'après Gilles, les stock sont déjà bien entamés... Étonnant, non?

En ouvrant la boite se dégage une odeur douce, des notes chaudes, un peu épicées, légèrement caramélisées, rappelant des notes de torréfaction douce. Et là, c'est la surprise: les feuilles sont minuscules, d'une finesse incomparable au point qu'elles semblent toute fragiles (sur la photo, il y a bien un rapport x2 avec la réalité), et surtout énormément de bourgeons dorés. Vous me direz: Normal pour un Mao Jian! A propos, quelqu'un saurait-il la différence entre mao jian et mao feng?Je dose généreusement et je veille bien à ce que mon eau soit très chaude. Les feuilles infusés ont une odeur douce et mielleuse très agréable, sans avoir la complexité d'autres thés noirs...

J'ai remarqué depuis une semaine qu'avec ma nouvelle petite théière en porcelaine (35 cl), j'ai un rendu magnifique sur ce type de thés, beaucoup de rondeur et de mielleux, et une palette aromatique qui arrive très bien à s'exprimer, beaucoup mieux qu'avec mes théières plus grandes ou qu'au gaiwan.

La liqueur est dorée, orange très clair. Et Dieu qu'elle sent bon, c'est tout doux, presque une caresse. Tout d'abord du miel de sapin, très doux, presque caramélisé et légèrement boisé. Puis vient une odeur un peu fruitée. En bouche, après avoir réussi à traverser cette douceur intense, c'est des notes fruitées qui apparaissent, une note subtile de fraise et de prune caramélisée. Et quelque chose de fruit sec, l'amande ou la noisette, mais tout doux, sans rien d'agressif, comme dans un Elisenlebkuchen, à moins que ce soit le mielleux qui me fasse retrouver ces sensations de mes pérégrination à Nürenberg. Le tout sur un fondu subtile et lointain mais bien discernable de chocolat et de vanille... De la gourmandise à l'état pure...

La seconde infusion est encore plus gourmande. C'est comme si toute la douceur semblait se réveiller et qu'elle n'avait laissé entrevoir qu'une petite part de sa grande puissance. En bouche, la texture est très ronde, longue, très fine et très douce, une sensation de sucre glace en bouche. Vous savez à quoi ça me fit penser? A de la guimauve, ou bien à du loukoum...

Mais quand j'étais petit, ma mère me disais, pas de sucrerie avant d'aller se coucher. Pourquoi? Le sucré, ça tient réveiller, alors tout ce thé noir (trois théières en tout) à la douceur extrême associé à mon mal de dent latent depuis quelques jours (une dent de sagesse qui se manifeste, la méchante)... Je n'ai dormi qu'une heure dans la nuit...

Il faut toujours écouter ses parents....

lundi 17 novembre 2008

L'or noir du Xishuangbanna

N'ayez peur, même si ma profession est assez directement liée aux énergies fossiles, je ne vais pas vous parler d'huiles lourdes. L'or noir en question a quelque-chose de beaucoup plus envoûtant...

Le Yunnan est bien connu pour ses pu ehr. Ses thés noirs aussi dans les régions de Simao et de Feng Qing. Mais le Xishangbanna est bien le fief incontesté des galettes de thé depuis des temps innénarables. Donc quel n'avait pas été ma surprise lors de ma dernière commande chez Yunnan Sourcing (une brique de Xiaguan 2007, deux mini-galettes de Gong Ting 2005, un morceau de melon de 2001 comme thé de tous les jours et de la dinette) de recevoir en cadeau un bel échantillon (50g) de Dian Hong du Xishuangbanna. Ce thé du tout début du printemps 2008 provient du village de Pu Wen, à la frontière avec le Simao.

Jusqu'alors, à part le luanze oolong rouge de Stéphane, les thés rouges étaient classés dans la gamme des mauvaises expériences. Mais à ma grande surprise, j'ai trouvé un thé très intéressant, qui m'a redonné envie de découvrir cette grande famille. Les feuilles sont composés de bourgeons et de premières feuilles (environ 50-50), sans aucune brisure, leur couleur va du brun profond au doré et ont une odeur douce, légèrement boisée.

Mais avant d'aller plus loin, une petite chanson de la Tordue (je sais, sacrées références...):

Sous les étoiles de septembre
Notre cour a l'air d'une chambre
Et le pressoir d'un lit ancien
Grisé par l'odeur des vendanges
Je suis pris d'un désir étrange
Né du souvenir des païens

Couchons ce soir tous les deux sur le pressoir
Dis faisons cette folie
Couchons ce soir tous les deux sur le pressoir
Margaux, Margaux ma jolie


Mais où est donc le rapport? Et bien justement, il est là, sur ces souvenirs des païens, sur ce pressoir. Une fois réchauffées par la vapeur de la théière chaude, une odeur emplit la pièce, celle du muscat ou du traminer, accompagnées des odeurs boisées du pressoir ancien, cette odeur de jus ruisselant de la presse jusqu'en la tonne, ce raisin nouveau encore chargé de ses odeurs de presse et des années de vendanges...


J'ai fait deux essais d'infusion, la première en gaiwan... et ce matin en grande théière, que j'ai acquise samedi soir au Palais des Thés répondant au doux prénom féminin de Midori rappelant la couleur verte. Deux infusions totalement différente...

Les feuilles infusées rappellent très nettement ce muscat et cette presse, accompagné d'une odeur très douce, dans un premier temps. Puis demi-tour complet: Mars... et ça repart, chocolat, caramel, amandes, comme la barre chocolatée... Changement de cap... ça vire au Nesquick... (Ah! les desserts de notre enfance...) Etonnant, non?

La liqueur coule orange-dorée de la théière... A l'odeur, on commence à nouveau par cette odeur de vendange (les feuilles radotaient: Vous allez voir ce que vous allez voir!) puis apparaissent des odeurs cacaotées, chocolatées et caramélisées puissantes... Au goût, c'est très malté, un peu cacaoté dans un premier temps, puis ça vire au chocolat avec une pointe de vanille et ça finit au fil des tasse sur une grande douceur miellée et caramélisée, laissant en bouche un goût caramélisé et boisé.


Mais en parallèle de cette douceur, on a de la puissance qui nous emplit, un chi phénoménal, peut-être trop, même pour réveiller le matin. Décidément ce n'est pas un thé du soir... nuit blanche garantie.

Au gaiwan, on est sur une liqueur différente. Les odeurs et goûts de pressoirs sont beaucoup plus présents et tenace. Le chocolat n'est pas là, ou à peine, le malt est puissant et la douceur de caramel met du temps à pointer son nez...

Voilà une belle révélation qui m'a donné envie de me plonger dans les rouges de Chine. Son seul inconvénient, c'est qu'il manque à ce thé puissant et aux nombreuses facettes un peu de finesse, de subtilité...

jeudi 13 novembre 2008

Oncques Oncques Oncques...


Oncques ne vit biche au bois
Oncques ne vit singe au joli minois
Oncques ne faucon caressoit
Oncques, Oncques, Oncques...

Que dis-je, Hong, Hong, Hong...

Parfois, je me demande où mes délires paraphréniques arrivent à me pousser. Soit dit en passant, si oncques sait d'où vient cette courte stance, je suis prêt à le remercier comme ce doit... Desproges et Pen Of Chaos ne seront pas acceptés, mais je suppute bien quelque bestiaire médiéval, peut-être Villon, mais je n'ai jamais réussi à le retrouver.

Je disais donc: Hong Hong Hong...

Vous l'aurez peut-être deviné, j'ai envie de vous parler de trois Hong Cha, deux thés rouges chinois et un coréen que je côtoie ces derniers temps: un Chuan Hong Mao Jian (M3T), un Xishuangbanna Dian Hong (Yunnan Sourcing) et un thé rouge de Jukro (Palais des thés).

Comment dire... Jusqu'il n'y a pas longtemps, les thés noirs, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé - oups, un jeu de mots facile et surtout totalement involontaire... Serait-ce dû aux thés en sachets que l'on m'a souvent forcé d'ingurgiter (les thés, pas les sachets), cela viendrait-il de tous ces horrible Assam ou Darjeelings que j'ai goûté dans ma vie? Toutefois est-il que j'ai eu ces derniers temps très envie de retenter l'expérience. Je sais, le rouge à base de Luanze oolong de Stéphane n'y est pas pour rien. Les descriptions de Alain non plus.

Des thés exceptionnels dont je vais vous parler ces prochains temps, et qui ont vraiment changé mon point de vue sur les thés rouges... Et peut-être quelques autres s'y grefferont...

El Desdichado

Je suis le ténébreux, — le veuf, — l’inconsolé,
Le prince d’Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule
étoile est morte, — et mon luth constellé
Porte le
Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,

La
fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s’allie.


Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?

Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;

J’ai rêvé dans la grotte où nage la syrène…


Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :

Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée

Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.



Vous devez très certainement vous demander: mais pourquoi nous boursoufle-il les oreilles avec ce sonnet abscons de Nerval? Pourquoi? Pour l'intrigue... Car c'est l'intrigue d'un roman de Fred Vargas: Sans feu ni lieu .

Pourquoi Louis Kehlweiler dit l’Allemand, Marc, Lucien et Mathias, les « Évangélistes » de Vandoosler le Vieux, tiennent-ils à sauver Clément Vauquer, vingt-neuf ans, traqué par toutes les polices de Nevers et de Paris, un détraqué accusé des assassinats effroyables d’au moins deux jeunes femmes ? Peut-être que la réponse est dans ce poème...

Un nouveau polar de Fred Vargas - je les dévore en ce moment - avec, comme toujours, une écriture coupée au couteau: décalé, absurde, drôle et parfois tendre pour une histoire rondement menée.

Os

Embusqué sur le banc 102, place de la Contrescarpe, pour une sombre affaire politique, celui de la Contrescarpe, Louis/Ludwig Kehlweiler, dit « l’Allemand », ancien flic de l'Intérieur maintenant à la retraite , mais encore tracassé par quelques affaires qui le suivent, avise une drôle de « bricole » blanchâtre égarée sur une grille d’arbre, lavé par l'orage de la veille…

Ce petit bout d’os humain – car il s’agit bien de cela, la dernière phalange d'un orteil provenant d'un individu de sexe féminin ayant séjourné dans les intestins d'un chien – l’obsède. Pour lui, il n'y a aucun doute, le corps auquel appartient ce morceau d'os, doit pourrir dans un coin. Mais où? À Paris? Dans la banlieue? Ou à des milliers de kilomètres de là? Cette obsession lui fait oublier ses enquêtes parisiennes. À force de ténacité, il remonte la piste jusqu'en Bretagne et atterrissent dans un bled où Louis va retrouver son passé, un village perdu au bout de la Bretagne, entraînant avec lui Saint Marc, l'un des évangélistes de Vandoosler.

Fred Vargas est une vraie maîtresse de l'intrigue à la française: enchevêtrée, trouble, complexe, original, drôle, absurde... et partant une origine des plus banales, un simple bout d'os déféqué par un chien. Et elle nous fait suivre ce petit bout d'os des grilles d'arbre de la capitale jusqu'à une grève bretonne. Comme toujours, des personnages hauts en couleur, des descriptions et des dialogues très travaillés... Une belle réussite.

lundi 10 novembre 2008

Les trois évangélistes

Marc Vandoosler a le front appuyé à la grille d'une vieille bâtisse abandonnée du Vème. Il est dans la merde: universitaire sur le déclin (historien médiéviste), divorcé, sans le sous, en fin de bail, un vieil oncle à charge, un ancien flic pourri... Il a trouvé un bon plan, cette vieille bâtisse à louer pour une bouchée de pain, mais dans sa situation financière, il lui manquait encore les deux tiers du loyer. Il pense à deux autres connaissances, Matthias, un paléontologue, et Lucien, un fêlé de la Grande Guerre. Normalement, ça ne fait pas bon ménage, ces mélanges de périodes historiques, mais ça le fait bien marrer de voir ces deux anciens acolytes dans une merde aussi grande que la sienne. Les trois acolytes emménagent dans "la vieille baraque pourrie" avec le vieux Vandoosler, qui les appelle affectueusement, saint Marc, saint Matthieu et saint Luc, les trois évangélistes.

Tout commence avec un arbre, un jeune être, qui a poussé une nuit dans le jardin d'une vieille cantatrice, Sophia Simeonidis. Elle se résigne à demander à ses nouveau voisins qu'elle espionne depuis quelques temps de creuser une tranchée sous l'arbre, contre 30 000 francs, pour voir s'il ne cacherait pas quelque-chose: un cadavre peut-être? Peu après, la cantatrice disparaît, mais sa nièce, arrivée à qui arrive à Paris peu après sa disparition ne veut y croire; et les évangélistes décident de mener l'enquête. Début de l'histoire.

C'est le second Vargas ("Debout les morts") dans lequel je me suis plongé. Malgré la mauvaise critique, j'ai beaucoup aimé. Les personnages sont originaux, certaines scènes sont ubuesques, l'intrigue cherchée et pleine de rebondissement, malgré quelques longueurs. La fin est impossible à prévoir (Connaître la fin dès les 100 premières pages, c'est une chose qui m'énerve souvent dans les polars et qui m'avait détourné de ce genre).

Un bon livre, qui se lit bien, et qui m'a incité à continuer sur un troisième tome...

vendredi 7 novembre 2008

Cito, Longe, Tarde

Voici un livre que je ne pensais pas lire, très loin de mes lectures habituelles... Cito, Longe, Tarde: Vite, Loin, Longtemps, voici les conseils d'Hippocrate pour se prémunir contre la peste, et les seuls que l'on connaissais au moyen-âge, à part le diamant porté à l'annulaire gauche.

Pars vite et reviens tard... Je me suis donc lancé dans ce roman de Fred Vargas, et je l'ai dévoré.

Pour avoir rossé un armateur responsable de la mort de deux marins, Joss Le Guern, capitaine du chalutier Le Vent de Norois, a connu la prison, puis le chômage avant d'échouer à Paris et de devenir "crieur", place Edgar Quinet. Trois fois par jour, Joss relève les messages, accompagnés de pièces ou de billets, que ses clients ont déposés dans sa boîte et, trois fois par jour, perché sur une estrade, il crie les nouvelles devant les habitués du quartier. Un jour, Joss découvre dans sa boîte une étrange missive qui se révèle inquiétante. Au début, il ne pensais pas la lire, mais bon, chez les Le Guern, on est peut-être des brutes, mais on n'est pas des brigands. Et il la lit. Et les messages reviennent... Un plaisantin ou un cinglé ? Son ancêtre murmure à son oreille : " Fais gaffe à toi, Joss. Il n'y a pas que du beau dans la tête de l'homme. " Certains textes sont en latin, d'autres semblent copiés dans des ouvrages vieux de plusieurs siècles. Mais tous prédisent le retour d'un fléau venu du fond des âges...

En théorie, c'est un polar... Mais ce texte est étonnant: une histoire très recherchée, un enchevêtrement de personnages, et aucun n'est laissé de côté, tous fouillés en profondeurs, et chacun a la part belle. L'écriture est un peu noire, poussée dans la psychologie de personnages qui n'ont pas été épargnés par la vie, et pleine de savoir... Lorsqu'on entre dans l'histoire, on ne peut en sortir. Un coup de coeur inespéré... Et un auteur que je veux maintenant découvrir.

mercredi 5 novembre 2008

I 'd prefer not to...

Ah Bartleby! Ah humanité! Voici les derniers mots de l'une des nouvelles les plus connues de Herman Melville. Vous savez, le bonhomme avec la grosse baleine, Non?

Une histoire bien étrange que Bartleby le scribe :
Un avocat de la finance nous raconte une anecdote assez troublante qui lui est arrivée. Son affaire est florissante, mais n'arrive à fonctionner que parce que ses deux clercs sont complémentaire. Turkey, invétéré soiffard, n'est assez sobre pour travailler que le matin, alors que Nippers est d'humeur exécrable avant le repas de midi. Parce qu'il se fait vieux et que la charge de travail augment, il décide d'engager un nouveau scribe.
C'est ainsi qu'un matin, Bartleby se présente à lui. Il engage cet homme bien mis, discret et travailleur. Mais au bout de quelques temps, le scribe ose refuser un travail d'écriture que lui donne son patron: J'aimerais mieux ne pas... (I'd prefer not to) Et le scribe s'enferme dans ce gimmick, et dans ce refus de tout, un refus polis, voilé, mais inéluctable, qui désempare son patron, au point qu'il n'ose le licencier...

Ça faisait longtemps que je désirais lire cette nouvelle, et voir de plus près ce qu'étais réellement le Bartlebisme, cette maladie textuellement transmissible sont souffre le Petit dans Des Chrétiens et des Maures... C'est une nouvelle désopilante, où l'on est happé; on suit le désarroi de l'avocat, et l'on ne sait plus que faire de ce Bartleby... Ce n'est pas un coup de cœur, mais j'ai bien aimé... C'est un livre qu'il faut avoir lu. Ce qui n'est pas difficile, il fait une trentaine de pages...

lundi 3 novembre 2008

La Porte de la Paix Céleste, Shan Sa

La porte de la paix céleste, ça ne vous dit rien? Allez, faites un effort: en chinois, ça se dit Tien'Anmen...

Zhao le soldat, autodidacte inflexible dévoué au régime, et Ayamei la révoltée, chef de file du mouvement étudiant, courent dans les rues sombres de Pékin. La Place de la Paix céleste est couverte du sang des étudiants. Du sang des enfants de la Chine moderne, élevés dans l'idéologie étouffante du régime maoïste. Ayamei se cache, quitte Pékin, parcourt des milliers de kilomètres, fuit vers la montagne. Inlassablement Zhao suit sa piste. Son acharnement est à la mesure de sa foi dans le régime : aveugle et sans limites. Mais au long du chemin, le soldat tombe sur différents écrits que la jeune fille sème derrière elle. Au terme de cette longue traque, Zhao se laissera-t-il contaminer par la beauté et la poésie ou choisira-t-il d'ignorer la voie qu'Ayamei est en train de découvrir ?

Voici un livre que je voulais lire depuis un certain temps. Une fois encore, Shan Sa nous emmène au beau milieu d'une période trouble de l'Histoire de Chine, le mouvement du 4 juin, qui a vu une manifestation étudiante se faire réprimer dans le sang. Ce livre nous parle d'un événement qui a marqué la vie de Shan Sa:
"Après l’événement Tian An Men, j’ai choisi de renaître en France."

Les mêmes éléments que dans la Joueuse de Go sont rassemblé dans cette traque. Le destin de deux jeunes gens que tout oppose, pour ne pas dire tout affronte, et l'alternance des points de vue au fil des chapitres. On s'attache aux deux jeunes gens dont on sait qu'ils ne pourront se rencontrer que dans la douleur. Même si nous euopéens, nous ne pouvons que prendre partis pour la belle Ayamei, avec tout ce que sa cause puis sa fuite a d'héroïque et de romantique, il nous est impossible de ne pas comprendre le jeune soldat.

Ce livre est une pure merveille que je recommande, à tous ceux qui veulent voir la chine par l'autre bout de la lorgnette, et à tous ceux qui aiment les amours poétiques impossibles .

Ce livre a reçu le prix Goncourt du premier roman en 1998.
Elle nous parle de son livre ici.

vendredi 31 octobre 2008

Funeral for Theodred

Nú on théostrum licgeth Théodred se léofa
hæ´letha holdost.
Ne sceal hearpan sweg wigend weccean,
ne winfæ´t gylden guma sceal healdan,
ne god hafoc geond sæ´l swingan,
ne se swifta mearh burhstede beatan.
Bealocwealm hafað fréone frecan forth onsended
giedd sculon singan gléomenn sorgiende
on Meduselde thæt he ma no wære
his dryhtne dyrest and maga deorost.

Maintenant, mon cher Théodred repose dans les ténèbres,
Le plus loyal des guerriers.
Le son de la harpe ne réveillera plus le guerrier,
L'homme ne tiendra plus une coupe de vin,
Le bon faucon ne se balancera plus à trvers le hall,
Le cheval rapide ne trépignera plus dans la cour.
Une mort cruelle a renvoyé le noble guerrier.
Les ménéstrels en deuil chanteront
à Meduseld; là où il n'est plus,
à son roi, à ses proches, à ses plus fidels compagnons...



C'est l'hiver, le vrai, pas celui que l'on va devoir attendre encore deux mois. Hier, pendant la nuit, il a gelé au cœur de Paris. Et chaque année, pour moi, les premiers froids n'apportent pas que leur train de rhume. Ils apportent aussi trois films, la plus grande saga jamais écrite depuis celle de Chriemild et de Siegfried.

Alors profitons en pour nous rappelé les funérailles de Théodred, blessé à mort avant l'heure par les traits des Uruk par la faute du vil Grima Wormtongue.

lundi 27 octobre 2008

Buvons toute la nuit
Pour faire un pot de fleur
Avec le tonneau

Matsuo Bashô
Cent Cinq Haïkaï
Le corbeau d'habitude je le hais
Mais tout de même... ce matin
Sur la neige

Matsuo Bashô
Cent Cinq Haïkaï
Le parfum d'orchidée
Aux ailes de Papillon
Embaume

Matsuo Bashô
Cent cinq Haïkaï
Sur une branche nue
Un corbeau s'est posé
Soir d'automne

Matsuo Bashô
Cent-cinq Haïkaï

mardi 21 octobre 2008

Des chrétiens et des maures: Daniel Pennac

Un matin, le Petit a décrété: "Je veux mon papa." Il a repoussé son bol de chocolat et j'ai su, moi, Benjamin Malaussène, frère de famille, que le Petit n'avalerait plus rien tant que je n'aurais pas retrouvé son vrai père. Or, ce type était introuvable. Probablement mort d'ailleurs. Après deux jours de jeûne le Petit était si transparent qu'on aurait pu lire à travers. Mais il repoussait toujours son assiette: "Je veux mon papa."

Tant que le petit voulait son papa, il n'y avait rien de grave, quoique cela pouvait être surprenant dans la Famille Malaussène. Il y avait dans cet indicatif une simple demande. Mais cet indicatif s'est transformé en conditionnel, et Benjamin, quoiqu'habitué à sa famille exceptionnelle, prend peur... Je préfèrerais mon papa! Cette ordre poli mais intransigeant lui fait craindre que son jeune frère ne soit atteint de Bartelbisme... les faits lui donnant de plus en plus raison.

Alors, aidé de son ami Loussa de Casamance, un lettré sénégalais spécialiste de littérature chinoise, il va partir dans ses souvenirs à la recherche du père du Petit, entre mafia, grabat, ténia et littérature.

Ne vous fiez pas au nombre de pages, cette minuscule nouvelle est du très grand Pennac, du très grand Malaussène. On se laisse charmer dès la première page, et on est déçu à la dernière, déçu que ça se finisse déjà! Avec un clin d'oeil à un autre grand écrivain, Jerome Charyn... Un livre que je relis tous les deux ans... Si vous ne connaissez pas la famille Malaussène, courrez lire cette nouvelle fraîche et pleine d'humour.

Notez que le clin d'oeil a été rendu par Charyn dans son roman, Appelez-moi Malaussène, que j'ai hâte de trouver et de lire...

lundi 20 octobre 2008

Petit dictionnaire chinois-anglais pour amants: Xiaolu Guo

Zhuang Xiao Qiao, jeune chinoise de 23 ans, vient d'arriver à Londres. Ses parents, fabricants de chaussures à Wenzhou, une petite ville Zhejiang de 7 millions d'habitants, ont décidé de l'y envoyer pour qu'elle apprenne l'anglais et puisse les aider dans leurs affaires. Miss Z (son nom est totalement imprononçable pour un anglais) arrive dans cette ville impersonnelle et individualiste. Ses difficultés en langue et les différences culturelles avec les autres élèves de son école la pousse de plus en plus dans la solitude, jusqu'à ce qu'elle rencontre un homme, un quadra désabusé par la vie et à sa grande horreur (surtout pour une fille de paysans chinois amateurs de viande de porc) végétarien chez qui elle emménagera sur un quiproquo et dont elle tombera amoureuse...

Dans une langue approximative toujours craquante, nous suivons le journal de cette jeune chinoise, ses progressions à la découverte de la langue et surtout de l'amour. Un journal fondé sur les mots, présenté comme un dictionnaire, ces mots qui lui manque toujours et dont elle est tellement avide...

Malgré des débuts très difficiles à lire, c'est un véritable bijou que nous offre Gao Xiaolu...

L'avis de Yueyin qui m'a donné envie de lire ce livre.

jeudi 16 octobre 2008

Les Quatre Saisons de Shan Lin Shi

Il arrive parfois d'avoir l'impression de vivre entouré des Quattro Stagione, sous la houlette de Karajan et sous la main experte du premier violon Anne-Sophie Mutter... Ces dernier temps, c'est un thé qui m'a donné cette impression d'été, et qui m'a fait vivement envie de goûter son homonyme hivernal... Début du concerto en deux actes... sur des peintures d'Arcimboldo...


Luanze Oolong Shan Lin Shi Winter 2007
Dans trois mois, il est là, l'Hiver. Crescendo, les bourrasques de vent arrivent, laissant les dernières feuilles fauves de l'automne s'envoler, très aérien mais fort, frais et acidulé.



Il me fallait trouver le mouvement le plus proche du thé... Allegro non molto. De la fraîcheur, de l'acidulé et de la subtilité sur les premières notes, début de la tempêtes hivernale, et de la présence qui prend de plus en plus de place, pour finir sur une finale très colorée et puissante.

C'était le premier thé que je goûtais chez Stéphane, le Shan Lin Shi de torréfaction classique, hiver 2007. Le thé a déjà vieilli maintenant, six mois qu'il est ouvert, et ça se sent, mais dès la première odeur, le premier goût, on lui reconnait les qualités de ses premiers jours, il ne s'est pas du tout fermé.

Tout d'abord les feuilles sèches dans la théière chauffée: une odeur fleurie et acidulée, légèrement fruitée (type fruits exotiques) s'échappe de la théière.

Première infusion. La cruche est remplie d'une belle liqueur dorée et odorante. De ce thé, je me rappelais le côté très fleuri et très frais. Maintenant, au bout de ces quelques mois, un côté fruité et rond est apparu. Mais l'âge de ce thé est bien présent. Les fleures très fraiches que j'ai tant apprécié ce printemps ont perdu de la fraîcheur, et on commence à distinguer un peu de sècheresse, type fenaison. Notez que ça fait deux mois que je veux faire cette dégustation comparée mais que je me laisse à chaque fois tenter par un autre thé.

D'un autre côté, des notes un peu plus capiteuses sont apparues, rappelant un peu de l'orchidée. Une bouche très riche, très équilibrée entre les fleurs, les fruits et le miel, assez complexe, et de la longueur. Il me rappelle de plus en plus un Dong Ding. Est-ce la torréfaction, particulièrement maîtrisée, qui commence à se réveiller, ou bien est-ce mon goût qui évolue? Le caramel est devenu du miel, du miel de fruitier. Plus de fraîcheur apparaît au bout de trois infusions... mais contrebalancé par le côté miellé qui prend vraiment le pas...

Les feuilles infusées sont relativement sombres, un peu plus torturées que d'habitude pour les thés que nous propose Stéphane, mais aucune brisure, même si je suis à la fin du paquet, plutôt des feuilles solitaires...

Un très beau thé au final, bien présent, malgré ces quelques mois d'ouverture, subtile dans ses premières notes et avec une finale pleine d'énergie et de couleur...


Luanze Oolong Shan Lin Shi Summer 2008
L'Eté, le vrais, pas celui qu'on a tant attendu cet année, sarcastiquement annoncé sur le calandrier... Presto, puis Allegro non molto. Comme ça, pour changer le sens canonique, parce que cette sonate peut s'écouter dans les deux sens, se boucler, un vrai groupe cyclique abélien, avec pour invariant la magie de Vivaldi... Et puis, halte au conformisme... Non?




Il me fallait un thé coloré, capiteux et entêtant, avec une personnalité propre... Un vrai été pour exorciser et excommunier la pâle copie que nous a servi Madame Laborde pendant trois mois. L'été n'est généralement pas une bonne saison pour les oolongs de haute montagne, souvent rapeux et sec... Mais ce que nous propose Stéphane cette année vaut le voyage.

Dès la première odeur dans la théière chauds, les feuilles nous donnent un parfum fleuri capiteux. Au goût, c'est doux et extrêment rond, chaud, très fleuri, moelleux... Première impression, du blé, un côté boulanger très présent qui donne de la puissance à ce thé... Puis on a l'impression d'avoir du beurre en bouche, avec un petit fond salé style salidou. Et de la longueur...

Les feuilles sont belles, immenses (photos prises sur une asiette de 12 cm de diamètre; certaines faisaient plus de la moitier), un peu moins sombres que celles de cet hivers, bien entières, aucune n'est cassée... Très belles... Avec aucune trace d'oxydation...

Ce thé a une très grande présence et un corps bien équilibré. Il correspond totalement à l'idée qu'on peut se faire d'un haute montagne mais en moins léger, en beaucoup plus présent. Grand thé, très grande qualité, qui n'a pas à se cacher ou bien à avoir honte, pas une pâle imitation des cueillettes de printemps ou d'hivers. Un vrai parfum de femme qui nous donne envie de nous retourner...

Merci Stéphane. Il me manque maintenant , le printemps et l'automne pour finir mes quatre saisons...

lundi 13 octobre 2008

Une réponse à la Grande Question sur la Vie, l'Univers et le Reste...






Vous voulez trouver une réponse à la Grande Question que la Vie, l'Univers et le Reste? 42 ne vous convient pas? Ou bien vous recherchez comment répondre à un enfant qui vous demande pour la vingt-septième fois: Papa, Papa, Papa, Dis,Dis Dis! Pourquoi le lait il sent mauvais et il a un sale goût à chaque fois que tu oublie de le ranger dans le frigo? Ou bien: Pourquoi je ne dois pas mettre les mains sur la plaque de cuisson lorsque le rond il est tout rouge? Ou encore: Papa, pourquoi il ne faut pas mettre ses pieds sur la chaise... électrique?

Alors voici une piste de réponse, tirée du générique de The Big bang Theory, chanté par les Barenaked Ladies...

Our whole universe was in a hot dense state,
Then nearly fourteen billion years ago expansion started. Wait...
The Earth began to cool,
The autotrophs began to drool,
Neanderthals developed tools,
We built a wall (we built the pyramids),
Math, science, history, unraveling the mysteries,
That all started with the big bang!

"Since the dawn of man" is really not that long,
As every galaxy was formed
in less time than it takes to sing this song.

A fraction of a second and the elements were made.
The bipeds stood up straight,
The dinosaurs all met their fate,
They tried to leap but they were late
And they all died (they froze their asses off)
The oceans and pangea
See ya, wouldn't wanna be ya
Set in motion by the same big bang!

It all started with the big BANG!

It's expanding ever outward but one day
It will cause the stars to go the other way,
Collapsing ever inward, we won't be here, it wont be hurt
Our best and brightest figure
that it'll make an even bigger bang!


Australopithecus would really have been sick of us
Debating out while here they're catching deer
(we're catching viruses)

Religion or astronomy, Encarta, Deuteronomy
It all started with the big bang!

Music and mythology, Einstein and astrology
It all started with the big bang!
It all started with the big BANG!

dimanche 5 octobre 2008

Haribo c'est beau la vie...

Vous savez, moi et les Tie Guan Yin... J'en ai des quantités inimaginables, datant de 2002, environ 300 à 400 grammes, de 3 qualités différentes, et pas toutes expérimentées. Autant dire qu'elles ont vieilli... trop même... Elles ont perdu leur croquant et leur fleuri, ne reste plus que le typique du TGY. Mais elles ont un valeur sentimentales. C'est mon père qui me les a ramené d'un déplacement en Chine. En même temps que ma première théière et que ma wenxianbei. Stéphane m'avais expliqué une méthode pour lui redonner du croquant, la méthode Sae An... Mais depuis quelque temps, j'ai de plus en plus envie de goûter une vraie bonne Boddhisattva.

Hier, dans un élan de découverte, mes pas m'ont guidé vers la place Monge, pour un thé rouge, finalement un Chuan Hong Mao Jian... Et la gourmandise m'a fait craquer pour un Anxi Tie Guan Yin, le numéro 8... Et aujourd'hui, après une ballade au Buttes Chaumont, à quelques mètres de chez moi, je me suis jeté à l'eau.

Les feuilles de thés sèches sont minuscules. On peut deviner qu'il s'agit de feuilles seules, avec quelques boules formées d'un bourgeon et d'une ou deux petites feuilles... Cela se vérifiera. On est très loin des boules immense de Dong Ding ou de Guei Fei Cha, composée d'un bourgeon et de deux immenses feuilles... Ça me rappelle assez bien mes TGY ou mon Dong Ding Mystérieux, très certainement un haute montagne d'été de bonne qualité... Les feuilles sèches sentent un peu les fenaisons, plein d'herbes sèches et de fleurs séchées... En plongeant les 3-4 g de feuilles dans la théière chauffée cette odeur prend de plus en plus de place...

Première eau... Rinçage... Odeur de fleur... pas plus de détail.

Première infusion. Une odeur de lilas et de myosotis. Dans la wenxianbei, un commence par ces fleurs, puis vient l'odeur caractéristique des TGY et des thés de Taiwan: une odeur caramélisées de chouchou, de caramel, de cacahuète grillée peut-être un peu de noix de coco, pas sûr... Non à y réfléchir... C'est juste une rémanence intellectualisée... Vient ensuite une odeur de confiserie... indéfinie... A l'infusion, les odeurs fleuries capiteuses font d'abord surface... Très présente. Vraiment des fleurs méditerranéennes avec leurs parfums entêtants. La liqueur est douce et caramélisée, presque du bonbon aux fleurs... et toujours cette note de confiserie indéterminée. Seconde infusion. Idem.

Troisième: les notes de sécheresse de fenaison propres aux TGY commencent à faire surface. On entr'aperçoit un thé totalement différent. La sécheresse donne de la rondeur, de la présence et de la longueur. Le moelleux caramélisé est toujours là. Les fleurs aussi. Et la note de confiserie a totalement disparu.... Quatrième infusion et les suivantes... La sécheresse est là, grandissant puis s'estompant au fil des infusions. Les fleurs aussi, mais de plus en plus douces. Comme vous l'aurez compris, on est face à un marathonien, un skipper à qui la route du rhum ne suffit pas ce qui lui faut c'est vraiment le tour du monde en solitaire et à l'envers...

On en est à huit infusions... la sécheresse s'est estompée enfin. Le thé nous fait croire qu'il s'est assagit. Le fleuri est réapparu, comme s'il avait été caché par la sécheresse. On est dans la douceur et le soyeux. C'est là qu'un invité surprise fait son apparition: la rétro-olfaction: le lilas et le myosotis sont bien là. Mais quelques secondes plus tard, il se laisse masquer, par de la confiserie, de plus en plus forte. Cette note indéfinie... Maintenant, je sais ce que sais: une odeur type de baie, ou de fruits des bois... quelque chose dans le genre... mais pas le fruit... Le bonbon... Les fraises tagada, les Himbeeren (framboises) ou les Brombeeren (mûres) de Haribo que l'on trouve presque uniquement en Allemagne: pas tellement dans le goût, car les baies auquel ça me fait penser restent indéterminées, mais dans le profil aromatique: cette douceur, ce gourmand... Et le premier qui dira du mal de Haribo, je lui jetterai la première pierre... sans complexe...

On en est à quatorze infusions, le final est tout dans la douceur, mais de décide d'en rester là...

Les feuilles infusées sont très torturées, par leur fabrication et par les nombreuses infusions, les bords sont totalement déchiquetés. On voit un léger liseré brunâtre autour des feuilles, Ce qui montre une oxydation déjà plus poussée que les thés taïwannais auxquels j'ai l'habitude. Les feuilles ne sont pas si grandes, il y a beaucoup de feuilles solitaires, mais malgré cette torture, peu de brisures...

Une merveille, qui m'a fait totalement changer mon point de vue sur les Tie Guan Yin, qui me donne envie de faire des essais sur mes stocks et de plus découvrir cette famille de thés...