dimanche 23 août 2009

Au ban l'horrible vieux vert...

Le monde du thé véhicule une certain un certain nombre de poncifs qui ont la vie dure. Combien de fois avons-nous entendu que les sheng ne valent rien avant une vingtaine d'année, que le thé en vrac n'est apparu que sous la dynastie Ming, de même que les théières, que sous le Song Dai, on ne buvait que du MoCha (macha)?

Combien de fois avons nous entendu que les thé verts ne se conservaient pas plus de six mois? Et que les thés verts ne s'infusent qu'à 75°C, sous peine d'avoir une liqueur d'une astringence inhumaine...

La première fois que j'ai essayé de tordre le cou à cette idée bien ancrée, ce fut avec un reste de mon premier primeur, un Liu An Gua Pian, dont j'avais oublié un fond de paquet il y a 5 ans, et que je regoûte à l'occasion pour voir ce qu'il devient... Autant vous dire que je ne l'ai pas jeté ce fond de paquet-là!

La seconde fois, c'était il y a quelques semaines, lors du passage à Paris de Stéphane, où nous avons organisé un petit Cha Xi aux alentours du Jardin d'Acclimatation, avec un Xi Hu Long Jing que lui avais offert Chih Jung Sien.

Et jamais deux sans trois, je voulais retenter l'expérience, avec un autre thé ver que je garde depuis maintenant deux ans et demi: un Yong Xi Huo Qing de 2007 (PdT). C'est dire si j'ai choisi le thé le plus commode et le plus difficile à louper. Très vert à l'origine, il développe naturellement une fine astringence qui ne pardonne pas les eaux trop chaudes. Mais il faut de l'audace lorsqu'on décide de faire de telles expériences.

Pour pousser l'audace, j'ai choisi ma théière réservée aux (jeunes) sheng, et de l'eau déjà bien ouverte (environ 90°C). J'ai aussi choisi comme bateau à thé ma nouvelle assiette ancienne en porcelaine de Cizhou (j'ai aussi trouvé un encensoir apparié qui me sert de Za Fang). Et pour l'ambience, j'ai décidé de faire résonner sur mon balcon les concerti pour Violoncelle de Bach...

Je sais, ça frise l'hérésie, un horrible vieux vert, une eau bien trop chaude, une théière en terre: l'horreur est assurée... C'est un remède de choc pour anesthésier des papilles... Non?

Eh bien, que nenni!

Le thé dans son sachet hermétique sens encore très bon. Malgré son grand âge - plus de deux ans - on sent encore les puissantes notes verts qui lui donne son nom (Feu Vert du Yong Xi). On sent aussi plus qu'avant des notes de torréfactions, et une belle présence iodée.

Dans la liqueur cette note iodée prend toute son importance, donnant des idées de pelure de concombre ou de melon. C'est une note que j'ai l'habitude de retrouver dans les très jeunes sheng. Et je pense que la comparaison est bonne, tant ce thé me fait penser à ces jeunes pu ehr... Le thé est très doux; malgré la température, l'astringence reste très subtile et réhausse en douceur la rondeur du thé.

Le côté herbe fraiche de son enfance ont disparu, mais des notes fleuries se font sentir en pointillé. Comme pour mes essais avec le Gua Pian, des sensations épicées se font sentir une espèce de piquant poivré bien agréable...

Il m'aura donné huit belles infusions, allant du concombre poivré au melon d'eau au miel...

Moi, je suis convaincu: on peu garder un thé vert, alors, s'il vous reste des fonds de sachets, et que votre nez vous dit qu'il y a encore de la matière, avant de les jeter, essayez de les faire vieillir, une surprise sera peut-être au rendez-vous...

Attention, je ne dis pas que tous les verts, même très bons, vont bien se garder, j'en jette en fin de chaque saison....