jeudi 31 janvier 2008

Lectures januaires

Que c'est difficile de trouver des adjectifs relatifs aux mois de l'année. Pour la plupart des mois, ils n'existent pas. Pourtant on retrouve sur Internet des tentatives pas trop idiotes, pas trop tarabiscotées. Ainsi on pourra peut-être un jour bientôt, si un grand journaliste ou un grand auteur décide de reprendre cette idée, retrouver dans notre dictionnaire un paliatif à cette lacune de la langue française. En voici une liste possible, avec en rouge les occurences présentes dans le grand livre des mots ou chez certains auteurs:
  • janvier : januaire,
  • février : fébruaire
  • mars : martien, martial
  • avril : avrillé, avrilien, aprilien
  • mai : maïalique, mayen
  • juin : junonien
  • juillet : juilletiste, julien
  • août : aoûtien, augustin
  • septembre : septembral
  • octobre : octobral
  • novembre : novembral
  • décembre : décembral
Qu'en pensez-vous?

Mais trève de digrétions...
Mon blog a maintenant un mois. Donc joyeux mensiversaire! Il est donc temps de faire un peu le point, de vous rappeler ma liste de lectures januaires et mes impressions maintenant à froid:

Littérature japonaise
Littérature scandinaveLitterature francophone :Littérature nipo-québéquoise :Littérature sud-americaine :
Littérature germanophone :
Quatorze livres en tout. C'est que ce mois a été chargé pour moi en tant que lecteur. C'est le premier mois depuis longtemps où j'ai autant lu. C'est la première fois que j'ai acheté autant de livres (j'ai du en acheter une grosse vingtaine). C'est la première fois depuis longtemps que je suis rentré dans une bibliothèque (j'ai déjà lu tous les livres que j'y avais emprunté)... Et deux challenges de lecture, qui commencent bien:

Alors espérons que février soit tout aussi propice, pour vous comme pour moi. Et peut-être pourrais-je alors vous offrir une belle liste de lectures fébruaires?

Les années douces : Kawakami Hiromi

Dans le bar où elle va boire un verre tous les soirs après son travail, Tsukiko rencontre par hasard, son ancien professeur de japonais, matière où elle n'a jamais excellée. Elle, célibataire endurcie, ayant gardé d'une certaine manière sa mentalité d'adolescente, lui, qu'elle appelera toujours "le maître", veuf depuis de longues années, vont s'y croiser régulièrement. Et lentement, au fil de ces rencontres jamais programmées, une relation étrange va se tisser entre eux.

Ce livre n'est pas une histoire continue, c'est une série d'anecdotes puisées dans leurs nombreuses rencontres, qui nous invite à une douce promenade dans le Japon moderne, avec en thème de fond la cuisine japonaise, le saké et la douceur de vivre du quotidien où il ne se passe pas grand chose, mais où ces petits riens participent au bonheur de vivre et nous bercent tout au long du roman. Car il ne se passe au final presque rien dans ce roman. Et pourtant, cette histoire est si simple qu'il est difficile de dire pourquoi on ne peut la quitter. Un livre délicat, poétique, sensuel, et d'une gourmandise débordante...

Ce livre a reçu le prix Tanizaki en 2000.
Voir aussi les avis de Yueyin, Allie, Papillon, BMR&MAM et Xavier Plathey

vendredi 25 janvier 2008

La Grossesse : Yôko Ogawa

Ma cure d'Ogawa continue. Il faudra que je passe un de ces quatre en bibliothèque pour faire renouveler mon ordonnance... Peut-être la formule préférée du professeur? Mercredi soir, j'avais fini La Grossesse... J'ai mis du temps à écrire ce post. Mais peut-être est-ce mieux... D'y repenser à tête reposée...

Histoire :

Depuis le début de la grossesse de sa sœur, la narratrice consigne dans un journal les moindres transformations physiques de la future mère. Et quand celle-ci, passé la période des nausées, retrouve un appétit vorace, elle s'empresse de lui préparer des marmelades de pamplemousses, dont elle la régale et la gave à plaisir. Peu à peu la peau, peut-être toxique, et la chair des fruits viennent se mêler, dans son esprit, à l'effervescence mystérieuse du mystère de la gestation.

Commentaire :

J'ai donc continué ma cure d'Ogawa par "La Grossesse". C'est un livre très dérangeant qui nous entraine dans une atmosphère mièvre et malsaine, presque morbide. Comme dans de nombreux livres d'Ogawa, au fil des pages, une espèce de malaise prend le lecteur, qui ne disparaît pas avant la dernière page.

Dans ce livre, deux aspects sont traités. Tout d'abord le rapport à la nouriture, ce qui d'après moi est le point le plus important du livre. C'est par l'aversion pour toute odeur due aux nausées du début de grossesse, puis par la boulimie une fois les nausées passées et l'engraissement rapide (c'est vraiement le mot juste qui vient à l'esprit lorsqu'on lit le livre) que l'auteur nous dévoile les névroses d'une femme enceinte dépressive.

Le second aspect morbide se situe dans la description par la naratrice de la grossesse. Avec d'un côté la dépression prénatale de la femme enceinte et de l'autre l'incompréhension de la situation d'une fille dont les parents sont morts trop jeunes, élevée par sa soeur, mais qui ne semble pas avoir reçu les clefs pour apréhender sa féminité et le désir maternel, et qui maintenant semble un peu de trop dans cette nouvelle famille qui se construit, Ogawa nous dépeint une fresque morbide de l'attente d'un enfant.

Comme toujours, Ogawa pousse son récit jusqu'à l'obsession, au désordre mental. Car c'est un lien familial trop exagéré entre une jeune fillé et sa soeur enceinte qui nous est proposé par l'auteur. Elle maintient le propos entre ironie et cruauté, entre jalousie et dévouement, au bord d'un abîme où la vie menace d'engendrer la mort.

Nous avons longtemps discuté de cette nouvelle avec Loutarwen. Certes, pour tous les deux, cette nouvelle n'est de loin pas la meilleure d'Ogawa, même si elle a remporté en 1991 le prestigieux prix Akutagawa qui récompense les nouvelles et romans courts japonais. Mais je n'aurais pas un avis aussi négatif qu'elle sur cette nouvelle. Nous n'avons pas ressenti ni surligné les mêmes choses... Mais peut-être est-ce logique qu'on ait pas le même rapport à la grossesse? Alors à vous de juger...

jeudi 24 janvier 2008

L'Annulaire : Yôko Ogawa

Eh oui, je continue ma cure d'Ogawa (une cuillers le matin dans le métro, une cuillers le soir au retour et si besoin, une cuillère au coucher le soir). Cette fois-ci, c'est l'annulaire qui est passé à la casserole (toute envie antropophage mis à part).

Histoire :
A la suite d'un léger accident de travail dans une fabrique de limonade au cours duquelelle perd un bout de son annulaire, une jeune provinciale décide de changer de travail et trouve un emploi de réceptionniste auprès de M. Deshimaru, étrange taxidermiste directeur d'un laboratoire de spécimen. Dans ce lieu étrange, ancien foyer de jeunes filles pratiquement désert, elle reçoit la clientèle avant que M. Deshimaru ne recueille, analyse et enferme à jamais les blessures et les souvenirs de ceux qui désirent échapper à leur mémoire: champignons, objets de la vie courrante, partitions, os d'oiseaux, blessures... Sans vraiment comprendre ce qui se joue, elle est progressivement fascinée par cet étrange scientifique qui exerce sur elle un pouvoir étrange.

Mon avis :
Une histoire déroutante, une écriture déconcertante, simple et épurée, pleine de non-dits mais assez explicites pour attirer le lecteur vers cette atmosphère étrange typique des nouvelles de Yôko Ogawa. Dans cette nouvelle, on retrouve un atmosphère un peu moins malsaine que dans d'autres de ses romans (Hôtel Iris, Les abeilles), un peu comme dans le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie. La nouvelle pénètre, davantage encore que ses autres romans, dans le territoire de l'envoûtement et de l'étrange, et révèle, au coeur du suspense, l'empreinte d'une douleur qui va jusqu'au fétichisme.

Je pense que c'est le meilleur livre pour commencer l'oeuvre de Yôko Ogawa. De toute façon, avec Ogawa, soit on a aimé un livre et on adorera toute son oeuvre, soit on déteste, définitivement. Et pour les cinéphiles, l'oeuvre a été adaptée par Diane Bertrand au cinéma.

lundi 21 janvier 2008

Die Gedanken sind Frei : Tomi Ungerer

Tomi Ungerer est Alsacien, comme vous-mêmes êtes Breton, Parisien, Basque, Québécois, Ch'timi ou Berrichon. Ça paraît simple, et pourtant c'est très compliqué. Car après la guerre de 1870, l'Alsace a été annexée par l'Allemagne. Après la victoire de 1918, elle est redevenue française. Mais suite à la débâcle de 1940, elle est redevenue allemande. Et en 1945, française à nouveau. Tomi a huit ans quand la Seconde Guerre mondiale éclate. Du jour au lendemain, il doit changer de nom, parler allemand, écrire en Sütterlin (cursive gothique), faire un dessin raciste pour son premier devoir nazi. Il obéit, il s'adapte. Il devient un caméléon : Français sous son toit, Allemand à l'école, Alsacien avec les copains. Heureux, quoi qu'il arrive. A la maison, sa mère, fantasque, chaleureuse et rusée, veille. Elle l'encourage à dessiner et à écrire, à rire et à faire rire, à déployer tous ses talents. Toute sa vie, elle a conservé les cahiers, les croquis, les devoirs, le journal intime de son fils, les affiches de l'époque. Ce sont ces archives incomparables qui ponctuent et réveillent les souvenirs de guerre de Tomi Ungerer.

Voici un livre que j'ai vraiment envie de vous présenter. On connait tous Tomi Ungerer comme un merveilleux dessinateur de livres pour enfants, aux histoires drôles et loufoques. Mais quand Tomi nous raconte ses mémoires de l'occupation, il nous offre, sans renoncer à son humour bien alsacien, un texte réaliste et critique sur l'annexion de l'Alsace pendant la Seconde Guerre Mondiale. Avec ce texte, il a voulu expliquer aux français, aux allemands et aux américains, ses trois patries, ce qu'était pour de vrai cette période de souffrance pour les alsaciens. Il ne l'a donc pas fait traduire. Il l'a réécrit trois fois, pour que chacun puisse avec son vécu prendre bien en compte la réalité de cette période. Trois livres donc, à choisir selon par quel bout de la lorgnette on veut apercevoir cette période (français, allemand, étranger):
  • "A la guerre comme à la guerre",
  • "Die Gedanken sind frei : Meine Kindheit im Elsass" (On est libre de penser : mon enfance en Alsace), celui que j'ai lu
  • "Tomi : A Childhood under the Nazi" (Tomi, une enfance sous le régime nazi).
Tomi Ungerer donc est ce jeune garçon à la plume facile et réaliste. De plus il possède un bon coup de crayon et croque tous ceux qui passent autour de lui. Ainsi nous découvrons les divers changements de l'Histoire, à l'endroit où on les a le plus ressenti, et nous voyons comment un garçon de huit ans se voit forcé de devenir allemand, ce tout le monde refuse, lui-même, sa famille, ses amis et les autres alsaciens, et de devenir un bon citoyen du Reich.

On voit surtout ce qu'ont dû vivre les Alsaciens : interdiction de parler français, interdiction de parler alsacien (bien que ce soit l'un des dialectes germaniques à la base de l'allemand moderne), interdiction de posséder tout ce qui pourrait rappeler la période française. Apprentissage forcé de la langue, d'une écriture plus en vogue depuis des siècles mais remis au goût du jour par les nazi, le sütterlin et les runes germaniques, enrôlement dans les Hitlerjugend (jeunesse hitleriennes), propagande, repression , traque des juifs....

Plus que des mémoires, ce livre est un recueil de souvenirs d'enfants et de ses premiers vrais dessins, qui datent justement de la guerre. Ils nous montrent un réalisme et un esprit critique hors du commun pour un enfant de 8 à 12 ans.

Un livre parfois noir, parfois très drôles, pimenté de cet amour léger et taquin bien alsacien, parfois un peu puéril, parfois très mature, parfois très critique... et surtout très vrai. Je pense que c'est le meilleur livre pour se rendre compte de ce qu'était l'occupation en Alsace. Un témoignage poignant.

Le titre du livre, "Die Gedanken sind Frei", est le titre d'une chanson populaire allémanique interdite par le régime nazi à cause de ses paroles : les pensées sont libres.

dimanche 20 janvier 2008

Des Femmes qui tombent : Pierre Desproges

Que se passe-t-il à Cerillac, "pittoresque bourgade aux confins du riant Limousin et du verdoyant Périgord" ? Depuis quelques jours, les femmes de la région sont victimes d'un étrange tueur en série. Rien ne relie les victimes à part que se sont des femmes et qu'elles vivent à Cérillac. Pas même le modus operandi. Une vieille merciaire communiste à tendances stalinienne depuis la répression du printemps de Pragues, une kinésithérapeute, une secrétaire de mairie tyrannique et castratrice avec tout le village, quatre femmes d'une famille bourgeoise... Et toutes la population est aux abois, sans compter les journalistes et petit politiciens qui accourent.

Par petits chapitres ressemblant à de petits sketch qui permettent de faire avancer l'histoire, L'auteur nous entraîne dans une histoire délirante. Comme d'habitude, il manie le verbe et le cynisme avec brio. On retrouve l'écriture recherchée, riche et caustique de ses sketches des années 80, comme les Chroniques de la Haine Ordinaire, avec le même cynisme grinçant et la même critique du petit français moyen, le même amour de la langue et de ses richesses, la même culture qu'il met au profit de l'humour. Mais Pierre Desproges n'est pas un grand scénariste, c'est un maître de l'humour caustique et du comique de situation. On accroche très vite à l'intrigue et on veut savoir la suite, mais au final, la chute ne tient pas la route. L'histoire aussi est un peu datée et on ne retrouve pas l'universalité des Chroniques ou des Réquisitoires.

Mais même sans être un chef-d'oeuvre, ce petit roman, son unique roman, reste un grand moment pour les amateurs de Desproges. Je conseille toute fois à celui ou celle qui aimerait découvrir Desproges de commencer par les Chroniques de la Haine Ordinaires, transcrites en version papier aux éditions Seuil/Points.

Quatrième de couverture:

Après avoir lu ce livre, mon éditeur, ma soeur, ma femme me demandent pourquoi l'aubergiste Gilberte a la tête enfermée dans un sac en plastique. Je réponds que je n'en sais rien. Peut-être s'agit-il d'un ultime geste de coquetterie assez compréhensible de la part d'une femme que l'on devine accorte mais pudique et qui aurait jugé inconvenant de montrer une langue pendante au premier découvreur de cadavre venu?
Mais peut-être pas.

C'est un mystère.

Il faut parfois laisser traîner des mystères à la sortie des livres.
Aux derniers chants de l'Odyssée, qui célèbrent le retour à Ithaque, l'auteur n'évite-t-il pas, avec quelque délicatesse, de s'étendre sur la surprise d'Ulysse décelant l'odeur d'after-shave au fond du lit conjugal enfin retrouvé? Le lecteur aura compris que ce livre, des femmes qui tombent, est en réalité un humble mais profond hommage rendu à Homer et à sa cécité.

L'Auteur

Les abeilles : Yôko Ogawa

Pour rendre service à son cousin qui cherche une chambre pour ses études à Tôkyo, l'heroïne l'introduit dans son ancien foyer d'étudiant qu'elle avait quitté six ans auparavant. Mais aussitôt le jeune homme installé, elle est prise d'un malaise inexplicable. Dans les semaines qui suivent, à chacune de ses visites, saon cousin est invariablement absent. Et le directeur du foyer, un infirme auquel il ne reste qu'une jambe, se montre de plus en plus évasif, inquiétant, equivoque...

Un cousin qui disparaît, un autre étudiant qui aurait disparu il y a peu mais dont on ne retrouve aucune trace dans les journaux locaux, un directeur informe au comportement étrange et aux propos déplacés, par une succession de détails bien choisi, subtiles et inquétants, l'auteur nous fait entrer dans un univers mystérieux et angoissant, une espèce de malaise diffus dont elle a le secret. Comme si cette écriture sobre, simple, fine et épurée arrivait à faire peser les pires présomptions.

Ce n'est de loin pas le meilleur de ses romans, mais, en quelques pages, Ogawa réussit à mettre en place une atmosphère de malaise dont elle a le secret, et en cela, cette nouvelle vaut le coup.

Carte de bibliothèque

Ça faisait longtemps que je n'étais pas rentré dans une bibliothèque. Dans mon souvenir, c'était un lieu sombre, poussiéreux, qui sent le renfermé et plein de livres vieillots et sans intérêt qui datent des années 80 et que je n'aurais sûrement jamais lu, sur le modèle de la bibliothèque municipale de Guebwiller, ma ville natale.

Mais hier, poussé un peu par Loutarwen, j'ai décidé de passer le cap et rentrer à nouveau dans un de ces antres, pour m'inscrire (surtout que les bibliothèques municipales de Paris sont gratuites), au minimum pour rentrer voir de quoi il s'agit et s'il y a des livres intéressants. Et j'ai été agréablement surpris. J'ai trouvé pleins de livres que je veux lire: Kawabata, Ogawa, Murakami, Zweig, Ungerer, Orsenna, Kafka... uniquement à la bibliothèque Fessart, dans le XIXème, la plus proche de chez moi. Et j'en ai emprunté 3, après en avoir acheté tout plein vendredi soir (et oui, la chair est faible...):
Donc, comme vous vous en doutez, pleins de lectures en perspective, plein de commentaires et plein de visite en bibliothèque

vendredi 18 janvier 2008

La Lumière : Torgny Lindgren

L'histoire se déroule dans un petit village au nord de la Suède, le village où la route s'achève, très certainement au XIVeme siècle. Jaspar, un simple paysan, part à la ville pour rechercher la femme qu'il a vu en rêve, mais il ne la trouve pas. Il revient au pays avec une lapine qui va bientôt mettre bas. Ce qu'il ignore c'est que la lapine est porteuse de la "grande maladie", la peste bubonique qui est en train de décimer tout le pays. L'un après l'autre, tout les villageois sont infectés et meurent en deux jours. Il ne reste au final que six personnes. Et ce huis-clos dans un village retranché au fin fond de nulle part va révéler les tréfonds les plus sombres de la conscience humaine, comme une "fabulation". Et on reste au long du livre témoin de la folie de la maladie et des hommes qui y ont survécu.

Ce récit est écrit comme un conte, avec son écriture simple et un peu naïve. Mais il pose les question de la maladie, de la justice, l'inceste, de l'homme face à la folie de la nature et de sa propre folie,de ses fantasmes et des vestiges de son orgueil, de la vie, de la mort et de la création. Un récit parfois très sombre, parfois halluciné, très original où l'auteur maîtrise son art de conteur.

Avec en toile de fond les lapins, importés par le jeune paysan, qui vont proliférer dans la région au point d'être des milliers. La première partie commence par cette maxime, certainement inventée, mais qui me parle beaucoup depuis qu'on a adopté il y a peu une petite lapine : Là où sont les lapins, rien de demeure tel qu'auparavant.

Avec aussi la lumière comme fil conducteur de l'histoire, celle qui a disparu avec la maladie et que les survivants vont essayer de retrouver jusqu'à la fin de l'histoire. La lumière, c'est une métaphore filée de la justice qui nous poursuit tout au long du livre.

Au final, un bon livre, on accroche à ce conte sombre et délirante, à cette écriture simple, et on veut savoir la fin : Est-ce que la lumière reviendra ou le village sombrera-t-il pour de bon dans les ténèbres?

On peut trouver sur le site d'Acte Sud un extrait des premières pages, car, comme on le voit dans chaque commentaire publiés sur ce livre, c'est dès les premières pages que l'on accroche... ou pas.

jeudi 17 janvier 2008

Le Nom de la Rose : Le Défi...

Encore un défi de lecture... Au départ, j'étais un peu rétissant, car j'ai déjà commencé le Challenge ABC cette année, et vingt-six livres, ça me semblait déjà énorme. Mais ma fringale de livre actuelle me laisse un bon présage pour cette gageure, alors pourquoi ne pas jeter à nouveau le gant?

Tout le monde semble s'y mettre. C'est vrai que ce challenge est bien sympatique et original, et son nom, le Nom de la Rose, ne laisse présager que du bon. Alors merci Grominou pour cette bonne idée.

J'avais décidé d'utiliser des livres de ma PAL, mais comme je ne me suis remis à lire qu'il n'y a très peu de temps, et que j'essaie de la maintenir au plus bas - ce que j'ai réussi jusqu'il n'y a pas très longtemps, maintenant elle suit une évolution exponentielle, comme si c'était de sa propre volonté - , je n'ai pas réussi à trouver des livres pour chaque catégorie, même en recherchant les livres qui m'intéressent dans notre bibliothèque commune avec Loutarwen.

Alors voici donc ma liste, directement inspirée de ma LAL dont l'évolution factorielle (plus rapide qu'exponentielle comme le savent tous les "chanceux" - hum! hum! - qui ont eu la "chance" - hum! hum!, bis repetita - de passer deux années à user les bancs des classes préparatoires scientifiques) me laisse présager que, d'ici quelques mois, il me faudra plus d'une vie passée en ermite au milieu des livre pour espérer en voir la fin.

Ma liste :
En rouge, les livre qui ont l'immense honneur d'être déjà dans ma PAL. En bleu, ceux que j'y inviterait bientôt... En mauve ceux qui ont déjà été invités depuis. Et maintenant en vert, ceux qui ont déjà été lu, avec un lien vers l'article les concernant

Un titre comportant une couleur :
Le lésard noir d'Edogawa Ranpo


Un titre comportant un animal :
La tombe des lucioles de Nosaka Akiyuki (que je viens de commencer à lire)

Un titre comportant un prénom :
Harry Potter and the Half-blood Prince de J-K Rowling

Un titre comportant un lieu géographique :
Courtisanes du Japon,
Anonyme


Un titre comportant un phénomène météorologique :
Impressions à la saison des pluies
de Ge Fei

Un titre comportant un nom de plante :
Voyage au pays du coton
d'Erik Orsenna

Alors, bonne chance à toutes et à tous...

Mise à jour du samedi 19 janvier : Voyage au pays du coton a sauté subreptissement hier soir dans ma Pile à Lire.

Mise à jour du mardi 18 mars : Salon du livre: deux nouvelles recrues de ma pile à lire font partie du Nom de la Rose: Le tombeau des lucioles et Courtisanes du Japon

mardi 15 janvier 2008

Lettre au père : Kafka

Titre original : Brief an der Vater.

"Tu m'as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. Comme d'habitude, je n'ai rien su te répondre, en partie justement à cause de la peur que tu m'inspires, en partie parce que la motivation de cette peur comporte trop de détails pour pouvoir être exposée oralement avec une certaine cohérence. Et si j'essaie maintenant de te répondre par écrit, ce ne sera encore que de façon très incomplète, parce que, même en écrivant, la peur et ses conséquences gênent mes rapports avec toi et parce que la grandeur du sujet outrepasse de beaucoup ma mémoire et ma compréhension." C'est ainsi que commence cette Lettre au Père...

En 1919, Franz Kafka a 36 ans, il a déjà publié quelques-uns de ses textes les plus connus, comme le Verdict et la Métamorphose et il commence à être connu. Il va mourir quelques années plus tard. C'est à cette période qu'il va écrire la Lettre au père, un long réquisitoire contre son père. Dans cette lettre l'auteur veut tout mettre à plat : son incompréhension, son intolérance, son mépris, sa brutalité psychologique, l'éducation qu'il a donné à ses enfants, la peur qu'il aspirait à toute la famille Kafka... Une lettre manuscrite de 100 pages qui ne sera finalement jamais remise à son père qui mourra quelques temps après.

La Lettre au Père est au centre de l'oeuvre de Kafka. Elle permet de mieux comprendre sa vie et son oeuvre, particulièrement la Métamorphose car on voit un fort parallèle entre les griefs de l'auteur pour son père et la relation entre Gregor, le cancrelat, et son père. Le livre est découpé en différents sujets, comme des cercles concentriques dans sa démonstration de ses relations avec son père. A chacun des cercles concentriques, il finit par buter contre la même évidence: pour avancer vers lui-même, voire pour se libérer, il devrait pouvoir accuser librement son père; il devrait donc le déclarer coupable et, symboliquement, le tuer. Mais là, incapable de prendre la place du père, il régresse d'un cran, affirmant une fois de plus que ce n'est pas la faute du père, qu'il n'est coupable de rien. Un mouvement d'avance et de recul permanent.

L'écriture est très forte, ponctuée de passages au rythme halluciné, et qui ressemble à de la musique descriptive posée sur le texte, ou même d'une sonorité qui paraît restituer les crachats du père quand il se laisse aller aux injures. Un texte intime, prenant le lecteur pour confident, une expérience prenante poussant à la tristesse et à l'incompréhension et pas dessus tout un acte sincère.

Une merveille de la littérature classique germanique. Une relation père-fils très violente. Un texte fort. Incomparable!

Jamais avant le coucher du soleil : Johanna Sinisalo

Dynamique photographe de pub, Ange vit en solitaire stressé. Un soir, il sauve des bottes d'une bande de jeunes quelque chose qui ressemble fort à un animal blessé. Mais ce qu'il rapporte dans son appartement est un enfant troll, perdu certes mais sauvage... Il se sent attiré par la bête, et décide de le soigner et de le garder chez lui. Une relation étrange naît entre l'homme et la bête...

Commencent alors d'une part une enquête discrète sur ces êtres mythologiques bien réels et, d'autre part, une partie de cache-cache avec les amis, les collègues de travail et les voisins d'immeuble, car il est interdit de garder un animal sauvage chez soi, en pleine ville. D'autant plus lorqu'il s'agit d'un diable des forêt, ogre et gobelin, une créature insaisissable que des générations de finlandais ont considéré comme malfaisant et dont la population se rapproche toujours plus des habitations humaines cette année là, effrayant tout l'est de la Finlande.

Au quotidien du photographe se mêlent ainsi des données qui, progressivement, lui confirment que ce qu'il vit n'est pas un rêve mais une réalité dangereuse à laquelle il va bien falloir trouver une solution... Car la nature reprend toujours ses droits...

Voici un roman étrange et déconcertant. Dans ce livre, l'auteur rationnalise l'existance des trolls, animal que l'on croyait un simple mythe mais qui a été découvert au début du XXe siècle, et lui donne une rélité zoologique. Tout en gravitant autour d'Ange, photographe homosexuel, et de sa fascination pour Pessi, le jeune troll, Sinisalo nous entraîne dans une farandole folle de paragraphes, vue de la situation par les différents personnages du roman, les amants anciens, présents et futurs, la voisine, le patron d'Ange, le tout entrecoupés par des extraits de la mythologie finnoise et des traités "scientifiques" prouvant la réalité de l'animal. La volonté de déranger le lecteur est toujours sensible, mais l'écriture très rapide et fluide, très suggestive, garde le lecteur en haleine, témoin et complice passif d'une situation qu'il ne peut dénoncer...

Un bon roman, original, étrange et surprenant, qui fait de ce roman un très belle réussite. Dommage que les trolls n'existent pas pour de vrai...

dimanche 13 janvier 2008

Neige : Maxence Fermine


Yuko Akita avait deux passions.

Le Haïku
Et la neige.

Les haïku, ce sont ces courts poèmes japonais en trois vers et dix-sept mores, dix-sept syllabes japonaises, pas une de plus, pas une de moins. En avril 1884, le jour de ses dix-sept ans, contre l'avis de son père qui lui donne le choix entre la prêtrise, comme son père, son grand-père et tous les hommes de sa famille, ou la guerre, Yuko lui décide de consacrer sa vie à la poésie et aux haïku.


Vent hivernal
Un prêtre shintô

Chemine dans la forêt
Issa

"Je veux apprendre à regarder passer le temps" . Et il passa son temps de cette façon pour célébrer la beauté de la neige, très originaux et mélodiques mais dénués de couleur. Afin de parfaire son art et apprendre à mettre de la couleur dans ses poèmes, il va suivre l'enseignement de Sôseki, un homme qui possède l'art absolu.

Froid perçant
Je baise une fleur de prunier

En rêve
Sôseki

Les deux hommes se lient d'emblée, sans qu'on sache lequel des deux apportent le plus à l'autre. Dans cette relation faite de respect, de silence et de signes, l'image obcescente d'une femme disparue sous la neige réunira les deux hommes.

Neige limpide
Passerelle du silence

Et de la beauté

Dans une langue concise et épurée digne des grands écrivains japonais du XXe siècle (Tanisaki, Inoue...), Maxence Fermine nous propose un roman initiatique dans le Japon des grands maîtres du haïku. Un petit livre plein de poésie, de charme, de simplicité et de blancheur, qui aura fait couler beaucoup d'encre sur la blogosphère, et non sans raison. Au delà de la mode actuelle des haïku, ces poèmes japonais minimalistes et pleins d'émotions et de sensations, c'est un livre magnifique, éloge de la poésie japonaise, du blanc, de la neige.

Un bon moment de lecture, beaucoup trop court...

Les poèmes sont tirés du livre

Voir les avis de Loutarwen, Kalistina, Lancelot, Un blog pour qui, pourquoi?, Paule...

mercredi 9 janvier 2008

Hamaguri : Aki Shimasaki

Après Tsubaki, voici le second tome du Poids des Secrets de Shimazaki. C'est l'histoire d'un secret qui pèse lourd sur une famille japonaise, pendant la seconde guerre mondiale. Et dans ce tome c'est à Yukio de nous livrer son histoire, tout en nous dévoilant d'autres secrets.

Hamaguri signifie palourde en japonais et comme dans le tome précédent, l'objet du titre a un lien affectif important avec le protagoniste de l'histoire. Hamaguri, c'est la palourde avec laquelle les jeunes japonais jouent à Kaïawase, un jeu consistant à reformer les deux coquilles qui constituaient le coquillage initial : toutes les palourdes ont l'air identiques, mais seules les deux parties du coquillage initial coïncident parfaitement. Tout le symbole du livre.

Histoire :
Yukio est un enfant sans père assez solitaire. Il n'a qu'un amie à Tokyo, Yukiko, qu'il croise au parc acompagnée de son père. Il ne sait pas que c'est sa demi-soeur. Ils dessinent des formes sur le sable et jouent à Kaïawase. Les deux petits enfants scellent un pacte de fidélité en inscrivant leurs noms à l'intérieur d'une palourde, comme un serment d'amour éternel. Mais sa mère se remarie et il doit partir vivre à Nagazaki. Il reste attaché à cette petit fille dont il ne connait pas le nom, mais il perd l'hamaguri. Devenus adolescents, ils se retrouvent à Nagasaki sans se reconnaître ; les sentiments qui les habitent désormais, qui les troublent profondément, leur seraient-ils interdits ? Aux dernières heures de sa vie, la mère de Yukio cherchera à ouvrir les yeux de son fils en lui remettant ce coquillage sorti du tiroir de l'oubli.

Commentaire :
Hamaguri est la même histoire d'amour impossible que Tsubaki, mais vu par les yeux de Yukio. On retrouve avec plaisir les personnages que l'on avait croisé dans le premier tome. On retouve aussi la plume d'Aki Shimazaki, simple et épurée mais qui sait parfaitement faire transparaître les émotions. C'est un roman intimiste. La sensibilité de Yukio, très attaché aux trois femmes qu'il a aimé, privilégie l'histoire personnelle aux réalités historiques, contrairement à Tsubaki.
Ainsi Tsubaki et Hamaguri sont deux romans totalement différents qui racontent la même histoire.

Dans ce tome, la réalité de la guerre est beaucoup moins présente et c'est seulement en quelques lignes que l'auteur nous parle de la bombe au profit de l'histoire d'amour et d'amitier entre deux jeunes gens qui igniorent qu'ils sont frères et soeur. Pour Yukio, le 9 août 1945 n'est pas le jour de la bombe mais le jour où il a perdu la femme qu'il aime.

Hamaguri est un roman très émouvant, qui vous gardera en haleine jusqu'à la dernière ligne... Et comme le premier tome, c'est un véritable coup de coeur.

Notez que sur la couverture à l'intérieur de la palourde, c'est le nom de Yukiko ゆきこ que l'on voit écrit en hiragana.


Pour d'autres critiques, allez voir les blogs de Loutarwen, Jules, Papillon et Nezumi...

mardi 8 janvier 2008

Vita Brevis : Jostein Gaarder

traduction du titre : la vie est courte

Description :
Dans une librairie de Buenos Aires, une liasse de feuillets manuscrits très anciens est découverte. Il s'agit d'une longue lettre d'une certaine Floria Emilia, adressée à Aurèle Augustin (l'auteur des Confessions). Floria, qui vécut avec Saint Augustin une véritable passion, fut finalement rejetée par ce dernier. Et l'amante révoquée ne sait comment reconquérir celui qu'elle aime : ma rivale n'était pas une autre femme et je ne pouvais pas la voir, elle était un concept philosophique... Elle était la rivale de toutes les femmes, l'ange de mort de l'amour. Jostein Gaarder, l'auteur du Monde de Sophie, nous livre ici un portrait de Saint Augustin, étayé par des passages des Confessions, où le célèbre philosophe n'a pas forcément le beau rôle...

Commentaire :
Un livre qui me tentait bien, surtout que j'avais quelques critiques relativement élogieuses à son sujet. Et rentrer un peu dans la philosophie de Saint-Augustin, pourquoi pas? Surtout que Jostein Gaarder veut faire de ses romans des contes philosophiques. Et pourtant une grande déception...

C'est la lettre d'une femme en colère: en colère d'avoir été rejetée, en colère d'avoir dû abandonner son fils, qui est mort sans qu'elle ait pu le revoir, en colère de voir que dans ses Confession, Aurèle Augustin répudie tout ce qu'ils ont été l'un pour l'autre pour se dédier à une vie d'ascèse et de condamnation de tout ce qui peut être charnel, pas seulement l'amour d'une femme, mais aussi la nourriture, la boisson, et tous ses sens (ouïe, odorat, toucher, goût, vue). C'est écrit comme la lettre d'une femme en colère, avec les mêmes maladresses, le même vocable... Jusque là, rien qui ne puisse justifier une telle déception littéraire. C'est du Jostein Gaarder même si ça se veut la traduction d'un écrit qui aurait réellement existé, d'une lettre de Floria à Aurèle ou bien un récit apocryphe écrit dans un monastère sud-américain. Ca se lit vite (en une soirée), c'est bien écrit...

Et pourtant ce livre est incongru. Ce qui est incongru c'est qu'elle n'attaque pas son ancien amant sur ses erreurs, sur sa vie, sur ses choix... C'est sur sa philosophie qu'elle va l'attaquer. D'où un profond décalage entre la forme et le fond... Dommage...

Hôtel Iris : Yôko Ogawa

Dans une station balnéaire, Mari, une adolescente de 17 ans vit et travaille avec sa mère, propriétaire tyrannique et dominatrice d'un hôtel miteux, l'Hôtel Iris. Un soir, le calme des lieux est troublé par des éclats de voix : une femme sort de sa chambre en insultant le vieillard élégant et distingué qui l'accompagne, l'accusant des pires déviances. Fascinée homme beaucoup plus âgé qu'elle, au passé et à la réputation troubles (assassinat, pratique sexuelles douteuses...), elle le retrouve quelques jours plus tard, le suit et lui offre bientôt son innocente et dangereuse beauté...
Une vraie relation de domination va se créer entre le vieil homme et Mari: une éducation sentimentale crue, froide et horrible.

Sous l'écriture pudique, pour ne pas dire réservée, de l'auteur se dissimule une violence rare. Violence de la relation amoureuse ici poussée à ses extrêmes... Dans ce récit particulièrement subjectif et dérangeant, tout est perçu à travers les yeux de la jeune adolescente, ou plutôt à travers ses réflexions à posteriori sur cette liaison contre-nature, ce qui fait du livre un véritable hymne au sadomasochisme, à l'amour et à la douleur, sans regrets, comme si la jeune fille ne voyait toujours pas en quoi cette relation était anormale, honteuse, perverse, choquante et même dangereuse.

Mais Hôtel Iris n’est pas juste un roman autour d’un rapport paraphilique, l’écriture lumineuse de Yôko Ogawa transporte le récit au-delà des marges de la vulgarité et du graveleux. Les descriptions des jeux entre les deux protagonistes sont limités au stricte nécessaire pour semer le trouble. Au contraire, l’auteur a pris le parti de faire jour sur la personnalité troublante et ambivalente de la jeune Mari. Ainsi, cette étonnante histoire d’amour, de désir et de mort entraîne le lecteur dans les tréfonds du malaise dont Yôko Ogawa est sans conteste l’une des adeptes les plus douées.

Anecdote : Dans le livre , tout rapport au Japon a été effacé (à part deux références qui sont sûrement des maladresses de traduction), on se retrouve hors du temps dans un décor de carton-pâte qui pourrait bien être n'importe quelle station balnéaire au monde, lui conférant un statut d'universalité... Mais en fait, c'est à la suite d'un voyage à Saint-Malo où l'auteur s'était rendue pour un festival littéraire que le roman a été écrit, s'inspirant librement des lieux qu'elle avait visité. Alors, ne peut-on pas se demander si au final, l'histoire ne se déroule-t-elle pas en France?

Pour d'autres critiques, voir : Loutarwen, Yueyin et le blog de Japantime.

dimanche 6 janvier 2008

Reset : Tetsuya Tsutsui

Auteur : Tsutsui Tetsuya
Editeur : Ki-oon / Square Enix
Genre: Seinen / Manga d'action
Année: 2006-2007

Un homme dans une pièce, seul. Il se lève, ouvre le rideau et lit : "Votre vie est un échec. Appuyez sur Reset." Il s'enfonce alors un stylo au travers de la carotide. Un homme braque une banque mais ne veut pas d'argent. Il veut une réponse... et se tire une balle dans la tête devant les employés. Un jeune lycéen, un employé de banque, depuis quelques temps, des suicides inexpliqués se multiplient et tous les indices mènent vers une résidence du quartier d'Asamigawa, pourtant tranquille d'habitude. Les défunts se connectaient tous à un jeu vidéo en LAN, Dystopia, pour accomplir des missions meurtrières nettoyant sans doute le stress de la vie réelle. Mais à une époque où les jeux vidéo se font de plus en plus réalistes, il devient difficile pour certains joueurs de distinguer le virtuel du réel.

Hitomi Shinohara, la toute jeune veuve de l'employé de banque et Shunsuke Kitajima, un jeune hacker travaillant pour le gouvernement afin de purger sa peine vont mener l'enquête sur cette série de morts...

Tetsuya Tsutsui est un jeune mangaka indépendant repéré depuis peu par Square Enix, publiant en France sous le label Ki-oon. Après Duds Hunt et le premier tome de Manhole, sa réputation au japon n'a cessé de croître au point que ses oeuvres sont attendues avec impatience.

Dans ce manga il aborde avec un le danger du réalisame des jeux vidéo, un thème assez récurent dans les manga japonais (comme par exemple dans l'excellente série d'anime Lain). Le suicide et l'idée de mort persistante donnent une vision vraiment pessimiste et contradictoire du jeu vidéo. Seule la façade noire du réalisme à l'extrême est mise en avant et le mangaka s'embarque dans une vision manichéenne de la chose. Au final, trop de choses en trop peu de pages. Et pourtant, Reset convainc. Tout d'abord par son rythme effréné et sa naration très claire, qui va droit au but: l'auteur maîtrise le style (manga d'action) et le format (one-shot, manga en un seul volume) et garde le lecteur en haleine jusqu'à la fin. Avec des dessins très sobres mais recherchés, l'auteur arrive à faire passer les emotions avec pas mal de brio qui masque le manque de profondeur du scenario. Une lecture très agréable...

Le Maître de Thé : Inoue Yasushi

Titre original: Honkaku bô ibun / L'écrit de Honkaku bô

En 1591, le japon sort de plusieurs siècles de guerres féodales. 1591, c'est aussi l'année de la mort de Sen no Rikyû, l'un des plus grands maîtres de thé du Japon, l'inventeur de la cérémonie du thé de style wabi (beauté de la simplicité). Rikyû était attaché au Taîko Toyotomi Hideyosh (premier conseiller de l'Empereur), qui lui demande de se donner la mort.

Le moine Honkakubo, l'assistant du maître, participe à la dernière cérémonie du thé à l'issue de laquelle, son maître va se faire seppuku (hara-kiri). Suite à ces évènements, Honkakubo va quitter la cour et le monde des maître de thés pour vivre simplement grâce à la notoriété que le titre d'assistant de Rikyû lui a conféré. Mais pendant trente ans, le moine s'interroge: pourquoi son maître a-t-il dû se donner la mort? Et pourquoi les trois grands maîtres de l'époque ont-ils dû s'exiler ou se suicider? Suite à une rencontre inattendue, il va essayer de se remémorer le passé et partir à la recherche de la vérité au cours d'un dialogue imaginaire.

Plus que l'histoire d'une mort, c'est une histoire du thé que nous donne Inoué. Ce livre rend hommage à la cérémonie du thé (le cha no yu), à la tradition japonaise, aux grands maîtres du thé et au bouddhisme zen, à la simplicité... Avec son écriture sobre, Inoué nous livre les mystère de la cérémonie du thé, de ses instruments, de ses origines, de l'élégance et de la finesse nipponne... Car l'intérêt du roman, ce n'est pas l'intrigue de la mort, que j'ai trouvée par moment un peu maladroite, elle ne sert que de fil conducteur à l'histoire. L'intérêt de cette histoire, c'est le thé.

Ce roman n'est pas le meilleur livre d'Inoué. Un peu trop intimiste, on sent qu'il a été écrit pour les vrais amateur du thé et de la tradition japonaise. Au point de vue littéraire, je suis un peu resté sur ma faim. Mais du point de vue du théophile, et si on aime le monde du thé autant que moi, c'est une belle initiation au cha-no-yu, un monde que l'on ne connaît pas, à la fois une découverte et un peu une initiation car on suit le moine au côté de son maître.

D'autres critiques: Flo, Papillon et Chimère

vendredi 4 janvier 2008

La solitude lumineuse : Pablo Neruda

Ce tout petit livre est un récit de voyage... écrit bien des années plus tard. Au seuil de sa vie, Pablo Neruda nous raconte ses années de jeunesse en tant que consul aux Indes fraichement nommé, au début des années trentes, d'abord à Ceylan, puis à Batavia et Singapour, avec pour seule mission de tamponner des bariques de thé que les chiliens boivent par littre.
Il nous parle de la vie des gens et des non-relations entre colons et autochtones, il nous parle des systèmes de castes, de l'opium, de la chasse aux éléphants, des statues gigentesques de Bouddha ou de déesses hindouistes... Il nous parle de tout cela, tel qu'il les a ressenti.

Il nous parle surtout de sa solitude, lui, consul du Chili, avec un pied de chaque côté de ce monde schisophrène de l'Asie colonisé (colons et colonisés) alors qu'il n'appartient à aucun des deux. Il nous parle de sa mangouste apprivoisée Kiria qui ne le quitta pas durant toute cette période, seul être avec qui il vivra une vraie relation à Ceylan.

Un texte merveilleux, poétique, non sans esprit et humour. Un texte à lire quand on a besoin de faire un break et de s'échapper pour deux heures de la réalité quotidienne. Mais trop court...

Ce texte est en fait extrait de ses mémoires : "J'avoue que j'ai vécu"


Extrait:

"Plongé dans ces souvenirs je dois soudain revenir à la réalité. C’est le bruit de la mer. J’écris ces lignes à l’Île-Noire, sur la côte, près de Valparaiso. Les grandes bourrasques qui ont fouetté le littoral viennent de se calmer. L’océan – ce n’est pas moi qui l’observe de ma fenêtre, c’est plutôt lui qui me regarde de ses mille yeux d’écume – conserve encore dans sa houle la terrible ténacité de la tempête.

Quelles années lointaines ! Les reconstituer, c’est un peu comme si le son des vagues que maintenant j’écoute entrait en moi par intervalles, tantôt en me berçant pour m’endormir, tantôt avec l’éclair brutal d’une épée. Je vais recueillir ces images pêle-mêle, comme ces vagues qui vont et viennent."

mercredi 2 janvier 2008

Histoire du monde en neuf guitare : Erik Orsenna

Un jeune homme entre dans la boutique d'un luthier : c'est pour vendre la guitare qu'il vient de recevoir en héritage de son oncle. Le Luthier lui conseille : "mais non, mais non... jeune homme, tentez donc l'aventure. C'est un si bel instrument, sensible, discret, ancien et moderne à ta fois. Mettez-vous au travail. Ne la vendez pas déjà."

Le jeune homme approche la guitare, il la touche et commence à en rêver la nuit. Chaque songe va lui faire va le mener à une autre période de l'histoire du monde et de la guitare. Car la guitare a suivi les hommes dans leurs péripéties au fil du temps. Des pyramides d'Egypte aux derniers temps de l'empire inca, de la cour de Louis XIV aux champs de coton du vieux Sud américain, des doigts de Django Reinhardt à ceux de Jimi Hendrix, en passant par Villa Lobos, Joao Gilberto, Segovia, Salif Keita... Elle connaît toutes les musiques et sait dire tous les sentiments.

Je crois que je n'ai jamais lu sur la blogosphère personne qui ait aimé ce livre. Seulement des avis négatifs. Mais qu'importe, parce que moi, j'ai aimé ce voyage bien installée sur les notes d'une guitare. On entend la musique, vraiment... On ressent la musique, le bois de l'instrument vibrant entre nos bras. La guitare est une amante qui nous aime si on l'aime en retour: douce mais parfois capricieuse...

Bref, un charmant petit conte, où résonne l'amour de la musique. Le langage est très simple... c'est Orsenna! Et j'aime beaucoup ce qu'il fait, de façon générale!

Challenge ABC

Bientôt une nouvelle année et mieux qu'une bonne résolution... un véritable défi... lire 26 livres en 12 mois, un par lettre de l'alphabet.


J'ai connu le challenge ABC organisé par Méria grâce à ma demi-orange: Loutarwen, avec qui je fais bibliothèque commune (et un peu plus), qui a déjà participé l'an dernier et que beaucoup connaissent déjà; et je me suis dit : pourquoi ne pas relever le défi pour cette année qui va bientôt commencer?

Pour cette nouvelle année, j'ai voulu découvrir la littérature nordique que de nombreux résumés et commentaires m'ont donné envie d'essayer. Je n'oublie pas non plus la littérature asiatique qui forme le gros de mes lectures en ce moment ni des auteurs que j'aimerais découvrir ou redécouvrir... Alors pas de thème cette année, mais tout un programme en 26 livres qu'il me tarde de découvrir.

Voici donc ma liste, que je pense définitive, à moins que quelque conseil avisé me détourne de ce premier jet:

A comme Yann Apperry : Diabolus in musica
B comme Jorge Luis Borges : Le livre de sable
C comme Tracy Chevalier : La dame à la licorne
D comme Pierre Desproges : Des femmes qui tombent
E comme Kerstin Ekman : Crimes au bord de l'eau
F comme Maxence Fermine : Neige
G comme Jostein Gaarder : Vita Brevis
H comme Robin Hobb : L'assassin royal, tome 1 : L'apprenti assassin
I comme Inoue Yasushi : Le Loup bleu
J comme Lilian Jackson Braun : Le chat qui lisait à l'envers
K comme Yasunari Kawabata : La danseuse d'Izu
L comme Torgny Lindgren : La lumière
M comme Antonio Muñoz Molina : Beatus ille
N comme Pablo Neruda : La solitude lumineuse
O comme Ogawa Yoko : Hotel Iris
P comme Arto Paasilinna : Petits suicides entre amis
Q comme Raymond Queneau : Les fleurs bleues
R comme Salman Rushdie : Les Versets Sataniques
S comme Sinisalo : Jamais avant le coucher du soleil
T comme Jun'ichirô Tanizaki : L'Eloge de l'ombre
U comme Tomi Ungerer : Autobiographie d'un ours en peluche (mais j'hésite avec le recueil de textes et dessins de jeunesse Propaganda)
V comme Fred Vargas : Pars vite et reviens tard
W comme Oscar Wilde : Le Portrait de Dorian Gray
X comme Qiu Xiaolong : Encres de Chine
Y comme Eiji Yoshikawa : La pierre et le sabre
Z comme Stephan Zweig : 24 heures dans la vie d'une femme

Alors à bientôt avec des nouvelles du Challenge!

mardi 1 janvier 2008

Serei no Moribito

Pour moi, l'anime de l'année!

traduction du titre: le gardien de l'esprit sacré

Auteur:
Kamihashi Nahoko
Studio: Production I.G
Format:
26 épisodes de 25 minutes
Langue: japonais
Année de production: 2006
Diffusé au Japon depuis: avril 2007

Serei no Moribito est adapté du premier tome d'une série de nouvelles fantastiques de Uehashi Nahoko.


Synopsis:
Tous les 100 ans, d’après les légendes des Yakue, un bienfaisant Esprit de l'Eau naît sous forme d’œuf lumineux au sein d’un élu, apportant la pluie sur la région. Pourtant, l’histoire officielle de la fondation du Nouvel Empire de Yogo raconte qu’il s’agit d’un démon responsable de la secheresse. De quel côté se trouve la vérité ? En apprenant que son second fils Chagum est possédé par cet esprit, Sa Majesté Impériale ordonna en secret sa mort.

Mais l'enfant piégé est sauvé par Balsa, une étrangère, une lancière mercenaire qui, pour expier le sacrifice de huit âmes à quoi elle doit la vie, s'est jurée de sauver huit vie. Elle promet à la Seconde Impératrice de protéger son fils des assassins de l’Empereur pour le restant de ses jours. Ainsi, tiraillé entre ceux qui doivent le tuer et ceux qui à tout prix veulent le sauver, Chagum aux côtés de Balsa enterre sa vie de jeune Prince pour une cavale dangereuse. C’est à travers celle-ci qu’il apprendra la vie des plus modestes, découvrira peu à peu l’enigme qui l’entoure et tentera alors d’échapper à son terrible destin de Serei no Moribito, c'est à dire de gardien de l'esprit sacré, car si le garçon mûrit, le mystérieux œuf en lui aussi…



Avis:
Avec Balsa et Chagum, on entre dans un univers de Low Fantasy très japonais, avec ses esprits, ses rizières, ses temples et ses forêts. Mais on a la conscience cet univers bien plus étendu, tant géographiquement que spirituellement: un monde des esprits (Nayug) vit en parallèle du monde des vivants (Sagu). Un univers proche de ceux de Miyazaki.

Serei no Moribito joue sur enormément sur l'esthétique de ses graphismes irréprochables: les paysages sont grandioses, les personnages sont soignés. La bande son de Kenji Kawai est magnifique. Au dela de la réalisation, le scénario est très agréable, avec quelques rebondissements, un rythme très calme, quelques scènes d'action assez impressionantes mais sans violence gratuite, mais il n’y a pas d’éléments inutiles, les épisodes suivent la progression d’une histoire souvent très poétique.

C'est que l'anime ne verse pas dans les clichés des manga/anime japonais: l'héroïne n'est pas une adolescente aux pouvoirs surnaturels. Pas de combats surpuissants défiant les lois de la physique. L'anime baigne dans un univers de conte, mais très peu de magie: les interventions de cet ordre sont discrètes, mais parfaitement exploité dans le sens mystique qui leur est donné. Pas de manichéisme non plus, il n’y a pas d’un coté les méchants et de l’autre coté les gentils, le contexte politique (La rigidité du modèle impérial ultra formaliste) et culturel (les deux peuples Yakue et Yogoites coexistant dans la région de Yogo) suffit amplement. Bref, moins d’action brute, plus de subtilité et de finesse, ce qui donne au final un anime très agréable à regarder posément.

Un univers et des personnages complexes, une histoire bien ficelée, une animation soignée et une bande son de qualité: tous les ingrédients sont réunis... C'est mon coup de coeur anime de l'année.

Espérons que la suite des tome de la série seront aussi adaptés et que l'auteur soit traduit français. Pour l'instant, la série n'est pas encore licenciée hors du Japon. Mais je doute qu'elle ne le soit rapidement en France.