mercredi 30 juillet 2008

La désagrégation du papillon : OGAWA Yokô

Voici la nouvelle qui suit la parfaite chambre de malade.

Une jeune fille est se voit obligée de confier sa grand-mère dans une maison de retraite médicalisée, atteinte de démence sénile et n'arrivant plus à bouger, à s'occuper de soi. Elle se retrouve confrontée à un immense sentiment de culpabilité d'avoir abandonné sa sa grand-mère qui l'avait accueillie après la mort de ses parents. Et même la bienveillance du directeur de l'établissement ne lui rend pas moins difficile la séparation.
Cette longue dégénérescence de son aïeul qui a toujours été son point de repère dans la vie l'a fortement touchée, au point qu'elle a du mal à discerner ce qui est réellement la normalité et se lance dans un introspection. Son seul point d'ancrage dans cette douloureuse situation sont les premiers symptômes d'une grossesses (peut-être imaginaire) qui lui permet de reprendre un peu pied et d'effacer peu à peu l'absence de sa grand-mère.

Comme toujours , Ogawa nous offre une nouvelle très étrange, toujours entre rêve et réalité, une longue introspection écrite comme une longue descrition des sentiments intérieurs de la jeune fille, avec très peu de dialogue, et toujours ce sentiments de culpabilité qui mine la naratrice. Comme dans la chambre de malade, le sujet de cette nouvelle est le passage de la vie à la mort, l'accompagnement de la fin de la vie et le poids de l'absence.

Et toujours cette écriture parfaite, où rien ne manque, où rien ne dépasse de Yokô Ogawa, transpirant la douleur et la dureté du quotidien avec une douceur inouie et nous renvoyant à aux responsabilité qui seraient les notres dans de telles situation, comme ici la place des personnes agées dépendantes dans notre société... Ce n'est pas forcément la meilleure nouvelle d'Ogawa mais elle mérite vraiment d'être lue, si l'on aime le style de l'auteur.

mardi 29 juillet 2008

Un haïku de celui qui se voulait comme une bulle sur une tasse de thé

l'enfant voulait
entre ses doigts
saisir des gouttes de rosée

Issa

Le nom de plume que ce grand maître du haïku prendra signifie bulle sur une tasse de thé. En voyant le magnifique spectacle des billes roulant dans ma cruche, je comprends que le poète ait voulu immortaliser la beauté de ses poèmes par une telle beauté éphémère...

lundi 28 juillet 2008

Une parfaite chambre de malade : OGAWA Yokô

Lorsqu'on lit une nouvelle d'Ogawa, on est tout de suite frappé par cette atmosphère doucereuse qui raconte une vérité humaine grave et souvent tragique... Les personnages semblent survoler la scène, tout en étant fortement affligés. Une espèce de dépression latente, ou tout du moins un gros problème psychologique (autre point sur lequel l'auteur joue fortement). A leur place, on aurait envie de hurler notre douleur, notre malaise, il y a quelque chose qui cloche, qui semble anormal, inhumain, amoral... Et pourtant, est-ce vraiment ça la réalité, cette image bien figée de la bien-séance de la douleur. Ou bien Ogawa a-t-elle raison? Réagira-on comme on le pense face aux situations que nous dépeint l'auteur? Dans ces situations familiales tragiques, les personnages qu'elle nous décrit ont peut-être plus de réalité que nous...

Cette parfaite chambre de malade ne fait pas exception... Une jeune femme apprend que son petit frère de 21 ans, atteint d'une leucémie fulgurante, n'a plus qu'une année à vivre. Elle suit sa progressive et ineluctable dégénérescence et peu à peu elle découvre la force de cet amour fraternel qu'elle n'avait jusqu'alors jamais remarqué. Chaque jour, elle vient l'aider à manger, à s'apaiser et le regarder dormir. Et nettoyer derrière lui... Sa manie maladive de la propreté, sa phobie de la pourriture, provenant de l'horreur de voir sa mère s'enfoncer dans une maladie débilisante au point de laisser les légumes se décomposer dans la maison, font passer cette chambre d'hôpital pour un cocon de pureté originelle. Avec pour seule réconfort le jeune médecin qui s'occupe de son frère, beau comme un nageur (son premier amour était un nageur), dans les bras duquel elle finira par se laisser pleurer... Et toujours l'amour et la mort qui se rencontre à chaque coin de page, comme dans une ronde sans fin... enfin si, la mort inéluctable du frère...

Une nouvelle magnifique avec en toile de fond le douloureux passage de la vie à la mort. Et toujours cette écriture parfaite, où rien ne manque, où rien ne dépasse de Yokô Ogawa...

L'avis de Katell

Senteur de thé en dix-sept mores...

Sommeil sur le dos d'un cheval,
La lune au loin dans le rêve qui continue,
Fumée de la torréfaction du thé.

Bashô

vendredi 25 juillet 2008

La prime: Janet Evanovich

La première enquête de Stephanie Plum!

Voici une la critique d'un livre lu il y a plus d'un mois et qui trainait dans ma PAL depuis mon retour de Londres en Février. Je m'étais fait ce petit cadeau dans un grande libraire de Charing Cross. Mais bon, la vie va tellement vite en ce moment et ma pile de dossier s'amoncelle tellement dangereusement au travail que j'en délaisse un peu ce blog (pas bien!) et mes lectures (encore moins bien!). J'ai quand même eu la chance de lire quelques merveilles ces derniers temps, et en voici une (je pense que beaucoup d'entre vous pensent comme moi)! Un bijou d'hilarité!

Adieu froufrous, adieu dentelles! La lingerie c'est fini (c'était son ancien métier). Stéphanie Plum, trente ans, divorcée (après avoir surpris son mari s'ébattant avec une fille du Bourg, quartier de Trenton ou Stéphanie avait passé son enfance...), n'a plus de boulot. Sa télé et ses meubles sont au clou, son frigo est vide, sa voiture vient d'être saisie par la banque et elle se désespère. Son seul réconfort, c'est son hamster (moi je l'aime bien ce hamster).

Heureusement, il y a son cousin Vinnie ! Il dirige une agence de cautionnement et doit changer d'assistant aussi souvent qu'il essaie de la culbuter entre deux armoires! (C'est dire que c'est le turn over chez ses secrétaires) Sa mère la pousse à lui demander un boulot de secrétaire... Mais la place est déjà prise! Connie, l'assistante de Vinnie et un amie d'enfance, lui dit que le chasseur de prime qui devait se charger du cas Morrelli (un flic verreux accusé de meurtre qui défrayait la chronique du Bourg où il avait été un enfant terrible) avait attéri à l'hôpital... La prime se montait à 10000$...

Stéphanie, comme toujours forte tête, saisis l'occasion contre l'avis de Vinnie et de sa mère, et part à la poursuite de Joe Morelli. Mais c'est un malin, un dur, un séducteur... D'ailleurs, ce ne serait pas le même Joe Morelli qui joua à touche pipi avec elle quand elle avait huit ans? Ne serait-ce pas le même Morelli qui l'avait prise un soir après la fermeture derrière le comptoir de la patisserie où elle travaillait lorsqu'elle avait 16 ans puis avait filé sans demander son reste? (le vocable de ma description est un peu cru mais en anglais dans le texte ce n'est gère mieux!)

Une raison de plus pour le retrouver !

Et un champion de boxe violeur et tortionnaire, ce n'est pas ça qui l'en dissuaderait!

Stéphanie Plum est l'archétype même de l'anti-heroine, la chasseuse de prime non professionnelle comme pas deux! Si une connerie peut lui arriver, si elle peut tomber dans un traquenard, si elle peut froisser un violeur fou, eh bin! Pourquoi s'en priver? Le pire, c'est qu'elle le chercherait presque! Le boulet, quoi! C'est comme son histoire avec Joe Morelli! Ce livre est un véritable chassé croisé entre Joe et Stéphanie sur qui elle tombe à chaque coin de rue sans jamais pouvoir lui mettre la main dessus et qui la mènera beaucoup plus loin qu'elle ne l'aurait jamais imaginé...

Politiquement incorrect, hilarant, rondement bien ficelé, ce livre est un must à lire absolument! Mais attention, on devient vite accros (je suis en passe de lire le troisième de la série!)


Les avis de Serial Lecteur, Yueyin, Papillon, Chimère, Katell et Caro[line]... Aucun ne dément!

PS: lu en anglais mais je le déconseille, c'est pas ce qu'on nous apprend à l'école!

jeudi 24 juillet 2008

Billes qui roulent... suivi de Physique d'une bille qui roule

Le thé du matin dans mon petit coin de verdure au milieu du béton parisien est un moment magique, entre les restes de torpeur nocturnes et le reveil qui s'annonce déjà par les chants des oiseux et les premiers bruits de l'immeuble, lorsque la puissante douceur d'un tout jeune pu ehr me tire de mes derniers espoirs narcoleptiques... (Ba Da Chun 2007, Maison des 3 thés)

Depuis quelques jours, il me laisse l'occasion d'observer un phénomène assez surprenant.

Des gouttes de thé sortant de ma théière, se posant lentement sur la surface plane et dorée du thé dans ma petite cruche en verre et se transformant billes de thé évanescentes se forment sur la surface Là, mon esprit hautement scientifique pas encore réveillé commence à s'agiter, comment se fait-il qu'une bille de thé se forme au dessus d'une surface liquide, comme un bille de mercure au dessus d'un carrelage trop plat? Mais déjà mon esprit toujours aussi scientifique se rendort avec cette dernière image dans la tête...

C'est alors qu'un phénomène encore plus étrange se produit: la bille s'enfuit à toute vitesse vers un coin non définit de la surface circulaire de ma cruche... (Euh! il y a un problème là dedans...)

Trois secondes, deux centimètres, et puis plus rien... disparue, évanouie... avant la prochaine goutte...

Au bout de trois gouttes, mon esprit est bien réveillé, mon cerveau se transforme un tableau noir, prend un craie, inscrit beaucoup d'idées et d'equations (fluides, miscibles, non-miscibles, mouillants, non-mouillant, coalescance...)

Au final j'ai ma petite idée sur la question, mais pour que toute les conditions soient réunies pour obtenir un tel spectacle, il doit bien y avoir de la magie... serait-ce celle du thé?

Update:
Explications scientifiques du phénomène, attention, physicophobes et doux rêveurs, passez votre chemin!


Visiblement certain sont intéressés par ma petite découverte, et mes 3 années à user mes jeans sur les banc d'une grande école d'ingénieur pour acquérir l'envié titre d'ingénieur en hydrodynamique et génie océanique vont pour une fois me servir à quelque chose. Donc voici l'explication argumentée de ce phénomène..

Le principe de base de ce merveilleux phénomène tient dans une seule affirmation qui répond en un sens à la grande question de l'univers : 42... euh non! Ce serait plutôt : la nature est une grosse faignasse*** Vous vous souvenez peut-être, vos professeurs de physique ont essayé de mettre les formes mais dans le fond c'est bien ça : La nature a toujours tendance à minimiser l'energie.

Revenons à nos moutons. Lorsque ma petite Zisha, que mon père m'a ramené de son premier déplacement en Chine, déverse amoureusement ses dernières gouttes dans mon petit cha hai en verre, il y a exactement 0.8 cm entre le bout du bec et la surface du doux breuvage que l'on apprécie tous tellement. 0.8 cm c'est le diamètre du goulot de ma Zisha. C'est aussi la taille maximale de la goutte de thé qui veut aller rejoindre ses copines dans ma petite cruche. La goutte est donc amoureusement posée à la surface tout délicatement avec une vitesse infiniment petite pour qu'elle ne se fasse pas trop mal...

Comme vous avez du le remarquer, une pellicule huileuse se forme à la surface du thé (quand il est froid, elle fige même et craquelle). Or l'eau et l'huile sont non-miscible. C'est pas uniquement une question de différence de densité (eau et alcool font très bon ménage), l'eau et l'huile se repousse (avez-vous essayé de faire une mayonnaise sans oeuf?) et les tensions de surface entre les deux fluides sont extrêmes... L'eau ne mouille pas l'huile...

Or la goutte n'est pas, ou tout du moins est moins huileuse que la couche d'huile de thé, et elle a eu tout le temps de laisser remonter l'huile sur le dessus... Les tensions entre le bas de la goutte et la surface du thé sont énormes. Si on veut se rendre compte de la bataille qui se jouent entre eux, il faut se pencher et regarder la surface du thé en plein combat... Elle n'est plus plane, elle a pris la forme d'une fonction de Bessel (i.e. des ondoiement circulaires autour de la goutte)

Nous sommes dans un état d'équilibre, l'énergie du poids de la goutte est opposé à l'énergie des tensions superficielles et de la déformation de la surface libre. La coalescence (fait que la goutte s'unisse avec le thé de la cruche) ne se fait pas car la Nature est une grosse faignasse qui cherche à minimiser l'énergie. Mais c'est un équilibre instable, liée à des différences d'énergie tellement faibles que dès qu'elle aura l'occasion de faire disparaître cette anomalie et fournir encore moins d'énergie, la Nature (je vais l'appeler la Grande Faignasse à partir de maintenant, ça en jette!) fera disparaître la jolie goutte...

C'est alors que la goutte court à sa perte. L'eau et l'huile sont des liquides mouillants (par rapport aux solides). Le grand Archimède a été le premier à le remarquer et a énoncé son fameux théorème : Lorsqu'on plonge un corps dans un liquide, il ressort mouillé! Un menisque se forme dans la cruche. Or une bille sur une pente ça roule, et ça prends de la vitesse donc de l'énergie. Cet équilibre instable se rompt, et la bille se coalise avec le thé... FIN DE L'HISTOIRE

J'ai ré-observé ce phénomène, il n'arrive que si ma théière est totalement remplie. J'ai réussi hier à avoir jusqu'à 3 billes, qui se sont coalisées pour disparaître instantannément... C'était magnifique... Pour que toutes ces conditions drastiques surviennent pour obtenir ces petites billes... Ca doit être ça la magie du thé

mercredi 23 juillet 2008

Adoption...

D'ici deux petites semaines, une jeune petite chinoise va arriver chez nous, directement du Yunnan. Et je suis tout excité de son arrivée... Et je suis sûr que Loutarwen l'est aussi un peu...

Son petit nom est Da Hong Pao Long Dan. Chez nous, ça signifierait Œuf de dragon à la robe rouge. Elle est née à Yixing, dans la province de Jiangsu, d'une famille d'illustres potiers du quartier de Fudong, la famille Fan, sortie de terre par les mains de Wang Jianying, l'arrière-arrière-petite-fille du fameux Fan Dasheng.

J'ai déjà la tête pleine de projets avec elle et je me pose tout plein de question : comment l'apprivoiser? comment l'élever? Quelles seront ses odeurs préférées? Que j'ai hâte!

Je lui reserve tout plein de rêveries fleuries et fruitées, rondes et moelleuses, avec mes oolongs préférés et mes découvertes à venir. Et je suis sûr que vous en entendrez souvent parler...

Vous avez dû le comprendre, ma petite Da Hong Pao est une théière... Laissez-moi vous la montrer...


N'est-elle pas jolie?

vendredi 18 juillet 2008

L'Assassin Royal, L'Apprenti Assassin (T.1) : Robin Hobb

Ce blog ne le reflète peut-être pas, mais j'ai longtemps été un grand fan de fantasy. Je le suis toujours autant mais mes lectures actuelles m'ont mené sur des chemins différents, m'ont fait prendre des chemins de traverse vers d'autres mondes littéraires. Pourtant je n'avais jamais lu l'une des maîtres-œuvres. Tout autour de moi, tout le monde en parlait. Même mon grand-père, grand lecteur mais cantonné à des lectures beaucoup plus conventionnelles pour son âge, qu'il a bien beau du haut de ses 87 ans, avait suivi les traces de Fitzchevalerie Longvoyant. Mais c'est maintenant chose réparée, je dévore ce cycle incroyable, ce "diamant dans un océan de zircon" comme le dit si bien George R. R. Martin. Alors avec moi je vous invite à entrer dans l'univers de L'Assassin Royal...

Depuis des générations la dynastie des Loinvoyants règne sur les Six Duchés. Le roi Subtil a trois 3 fils: le roi-servant Chevalerie, le prince Vérité et le prince Royal. Le nom de chaque Loinvoyant est celui d'une vertu dont il fera preuve, malgré lui, tout au long de sa vie.

Un jour d'hiver un enfant est laissé par aux portes d'un château où se trouve le prince Vérité, abandonné sans nom par son grand-père avec pour seul explication que l'enfant était pour lui un trop lourd fardeau et qu'il était grand temps que le roi-servant Chevalerie s'occupe de son batard. Fitz (nom donné aux batards royaux en Angleterre) n'avait alors que six ans. Vérité décide de garder Fitz au château. Inquiet pour la sécurité de ce fils illégitime, Chevalerie abdique de son rang de roi-servant bien avant que Fitz n'arrive à la cité royale. Cet évènement bouleverse la vie de la cour alors même qu'un terrible péril menace le royaume.

Le bâtard va devenir l'homme lige du roi. Il apprendra aussi en secret la science des poisons, les techniques d'espionnage et le meurtre, et deviendra l'assassin royal. Mais il devra également faire face à de puissants ennemis ainsi qu'à son tragique destin.

Ce cycle est un chef-d'oeuvre, je l'ai commencé il y a un mois et j'en dévore déja le troisième tome... Je n'arrive pas à m'arrêter, presque une drogue que de vouloir connaîre le destin du jeune Fitz...

Robin Hobb maîtrise les arcanes de la fantasy sans entrer dans les caricatures grotesques. Un univers médiéval maîtrisé à la perfection, une magie en pointillé qui a rien de spectaculaire mais qui conditionne le fil conducteur du roman, des relations entre les personnages complexes, un mélange de passages sombres et de passages légers... Du grand art... Qui se laisse dévorer...
Et que je recommande à tous, à ceux qui veulent lire de la bonne fantasy, à ceux qui veulent découvrir cette littérature...

C'est pour moi un grand coup de coeur...


L'avis de Loupiote (Au fil des mots)...