mardi 23 septembre 2008

Et en rentrant chez moi, un parfum capiteux et fleuri embaumait la pièce...

Connaissez-vous quelque chose de plus humiliant pour une grande personne que de se laisser publiquement déculotter par quelques feuilles de thé? Je vous avais il y a peu conter comment je m'étais laissé lamentablement souffleter par mon premier thé des rochers, mon Lao Jun Mei n°1 de la Maison des Trois Thés. Et comment en quelques tasses, on se serait cru dans la scène du combat de Cyrano... A la fin de l'envoi, je touche... Et moi, je me suis retrouvé dans l'inconfortable position du Vicomte de Valvert...

Moi qui pourtant m'enorgueillis d'un pareil appendice... Il me fallait réparer cet affront si cruel et laver un tel outrage... Alors ma grande toge rouge matée, et me sentant le courage revenir, il me fallait laver mon honneur, et apprivoiser ce vil renard sournois qui m'avait jeté à terre.

Les sourcils du grand-père... Quel drôle de nom pour ce thé à la puissance désarmante. Mais au final, il fallait juste l'apprivoiser, créer des lien comme disait le grand aviateur... Après quelques jours d'approches de plus en plus réussi, voici que samedi matin il me laissa approcher de lui et me montra toute sa grandeur.

Ce thé nous avait été présenté il y a quelques jours par Alain et faisait partie de sa dernière commande (quelques jours avant mon passage place Monge): visiblement, c'était l'inspiration du moment de Gilles. Et pourtant, pour un même thé, j'ai rencontré des saveurs légèrement différente. A ce demander où est la part de l'humain, la part de la feuille et la part de la préparation dans nos thés adorés...

Ne maîtrisant pas encore ces thés, je me suis donc tout naturellement reporté sur mon Gaiwan. Il va sans dire que d'ici peu je referais un essai en théière, mais pour l'instant, la marque du soufflet initial est encore rouge sur ma joue... Chat échaudé craint l'eau. Le seul inconvénient est que cela ne me permet pas de prolonger les infusions: au bout de la septième, il devient impossible de maintenir la température assez élevé plusieurs minutes...

Mais revenons-en au thé. Ce Rocher est le thé le plus torréfié que j'ai jamais goûté. Et cela se retrouvé tout naturellement dans ce merveilleux breuvage. Les feuilles sèches sont noir de jais et ont une odeur un peu piquante. A la première infusion, on sent des arômes de torréfaction, de type pain très fortement grillé, un tout petit peu de fumée, mais cela laisse très vite la place à des notes boulangères de pain sortant du four et de pâte à tarte assez présente. Au goût, c'est caramélisé et bien boisé, très rond et long en bouche, huileux même.

Mais c'est à la seconde infusion que ce thé se révèle. Dès que l'eau entre dans le gaiwan, une odeur de fleur lourde et capiteuse emplit la pièce (on est loin du lys et de l'orchidée, même la rose envoutante fait pâle figure). Les notes de torréfaction du début se sont estompées pour des notes pâtissières de pâte à tarte, de caramel et de Wiehnachtsbredla. Toutes ces notes se retrouvent au goût, mêlée à des notes boisées et un peu cireuses. Au fil des trois infusions suivantes, ce parfum fleuri grandit et prend le pas sur la pâtisserie. Derrière, des notes d'agrume très gourmandes apparaissent: de la délicieuse bergamote confite nuancées par l'acidité subtile et piquante du yuzu et l'amertume d'une pointe de cédrat.

Or on est samedi matin, et il faut bien succomber aux corvées hebdomadaires qui nous forcent à arrêter nos thés et à quitter notre nid douillet, laissant les feuilles reposer dans le gaiwan vide. Qu'à cela ne tienne... A mon retour, facétieux grand-père, n'espérez pas y échapper... Vous repasserez à la casserole. C'est à mon retour justement que j'ai eu une drôle de surprise. On avait troqué mon appartement, pour l'antre d'un parfumeur. Lorsque j'ai voulu l'ouvrir, la porte a volé en éclat et je me retrouvé abasourdi par l'odeur, comme si j'avais traversé un mur du son. Des senteurs de fleur partout!

Les trois dernières infusions (je n'ai pu en faire d'avantage dans mon gaiwan, la dernière, a duré deux minutes et demi, mais avait du être arrêtée bien avant par la température de l'eau qui chute irrémédiablement...) étaient en fait plus fruitées et on retrouvais les notes pâtissières qui s'étaient un peu estompées lors des premières infusions. C'était un peu moins capiteux, le parfum des fleurs qui embaumaient la pièce s'estompaient, à moins que l'odeur ambiante ne me permettait plus de les distinguer avec la même acuité. Au final, les feuilles au départ de la couleur du pain (très) grillé, ont repris un peu de verdure.

Ce thé a quelque-chose de magique dans sa puissance. Je suis heureux d'avoir pu affronter un adversaire aussi valeureux... Et espérons que mes expériences futures en feront un véritable ami...

5 commentaires:

T.alain a dit…

He bien on dirait que ce grand père t'as offert un joli bouquet...
Il faut vraiment que je me colle au gaïwan...
Joli CR en tous cas...as -tu senti le cöté mineral?peut-être en théière sur une prochaine dégustation alors?

Soïwatter a dit…

Oui! il reste combatif le grand-père...

Je n'ai pas vraiment senti le côté minéral. Ni la sialorrhée que tu décris si bien. Mais je pense faire prochainement un essai en théière.

Le Gaiwan est uniquement l'étape nécessaire pour le débutant que je suis... Il est généralement utilisé que pour les thés verts, blanc et les WSBZ... Mais je le trouve aussi parfait pour faire des essais (je n'ai pas de kit de compétition...)

jeancarmet a dit…

Avec tout ce que tu trouves dans ce thé, il tient plus du berawecka que du rocher !

Soïwatter a dit…

Un peu, tu as raison, mais il manquait tout de même les figues, les abricots, les raisins séchés, et surtout le merveilleux mélange de schnaps de Quetsch et de Kirsch à 50-50... Avec un goût de prune en plus, ça aurait fait une Zwatschkawai chez une fleuriste...

Anonyme a dit…

J'adore ton Blog Man !

Fortunato