Petite parenthèse lexicale sur une locution que je ne conspue pas assez, tant elle me perce les tympans au fer rouge, me retourne les boyaux à la façon du jus de prunelle verdoyante et me donne des coliques comme un bataillon de rotavirus en pleine épidémie hivernale de gastroentérite...
Que les amateurs de thé, de textes et de verbe me pardonne cette digression fielleuse, mais je n'y tiens plus. On m'en a trop fait souper, et lorsque cette mauvaise mixture verbale aussi indigeste qu'une tablette de saindoux étalée sur une tranche de pain huilé est assénée avec tant de véhémence, multimédia qui plus est, je n'en puis plus: c'est la logorrhée, la faconde émétique...
Pas plus tard que la semaine dernière, lors d'une formation avec une personne que je respecte au plus haut point, j'ai du subir pas moins de 72 affronts en deux jours (au bout de deux en cinq minutes, je compte ces grossièretés). Aujourd'hui même, lors d'une réunion un peu mouvementée, cette désagréable sensation (perçage de tympan au fer rouge) m'a été assénée par un italien qui, bien que maîtrisant à merveille la langue de Boileau, s'est empressé de livrer une triplette de locutions fautives...
Alors pour lever le voile sur cette expression que j'ai du mal à nommer, que j'ai même du mal à écrire, eh, bien, voilà, je me lance... On ne dit pas "AU JOUR D'AUHOURD'HUI".... Voilà, c'est dit... Ecce contumelia! (Voici l'affront!)
Premier constat: lorsqu'on fiat un requête Google sur cette locution, on tombe sur pas moins de 122 000 occurrences trouvées en moins de 0.41 secondes. C'est dire que cette expression est répandue. Au point que même dans des journaux que je tiens pour sérieux (Le Monde n'est pas en reste), on lui fait la part belle.
Mais que veut dire au jour d'aujourd'hui?
Tout d'abord revenons sur "aujourd'hui". Et à "hui". Hui veut dire, en ce présent jour, aujourd'hui, quoi! Du latin Hodie, aujourd'hui! Donc pour insister, les rhéteurs moyenâgeux ont grandement utilisé le pléonasme, ce jour d'hui/le jour d'hui/du jour d'hui, qui à la longue est devenu, en ce jour d'hui, et le pas n'a pas été long (plusieurs siècles tout de même) pour voir vulgarisé la locution au jour d'hui devenu au fil du temps aujourd'hui (Merci le CNRTL).
Mais pourquoi l'utilisation de ce pléonasme?
En général, ou plutôt à la base, l'interlocuteur nous assène "Au jour d'aujourd'hui" en début de phrase, attribuant un caractère d'irrecevabilité, ou d'inexactitude, d'incorrection, de nuance aux propos qu'il vient d'entendre ou qu'il va émettre. Par simple opposition de principe, il va supposer que son analyse est bien supérieure aux idées habituellement véhiculées ou qu'il est conscient de l'inexactitude de ses propos mais qu'il ne peut faire mieux. Il s'agit de capter l'attention de l'auditoire, non pas par les propos émis, car souvent ils se tiennent, mais par l'absurdité, le non-sens de la locution d'introduction.
Le grand problème, c'est que beaucoup de monde pense que la complexité est le signe des hauts niveaux de langage. De ce fait, ils pensent bien parler français en utilisant ce pléonasme, alors qu'ils font malgré eux cette erreur patente. Pourtant, il existe de nombreuses formes en bon français pour marquer cette aberration: "Que je sache, à ce jour", "Or, à ce jour", "Pourtant, à ce jour"... On peut être plus imaginatif: "D'aucuns pensent", "L'idée de plus en plus répandue que", "L'acceptation générale est", et si vous lisez bien le présent texte, vous verrez que je l'ai ponctué de locutions analogues, tout en évitant bien au jour d'aujourd'hui. Le premier que vous verrez écrire, "D'aucuns pensent", eh bien, croyez moi, il nous montre sa non-adhésion à la thèse annoncée, avec toute la réserve, voire le mépris nécessaire.
Le grand danger avec cette locution est son acceptation générale.
Primo, au jour d'aujourd'hui, forme rhétorique rare et fautive, utilisée au départ par quelques orateurs pour capter l'attention de leur publique, est tant passée dans le langage courant qu'elle semble perdre son sens, pour signifier: en ce jour, à ce jour ou tout bêtement aujourd'hui.
Secundo, si l'expression devient codifiée, il n'est pas difficile de supposer que l'on verra bientôt fleurir les "au jour d'au jour d'aujourd'hui" puis par la suite, "au jour d'au jour d'au jour d'aujourd'hui" et ainsi de suite... Plaignons nos enfants!
Tertio, c'est une erreur, un pléonasme, et il n'y a aucune raison qu'il ne soit pas sanctionné comme faire se doit. La première maîtresse d'école voyant cela dans la rédaction d'un de ses élèves de primaire aura tôt fait de la soulignée de rouge, voire de l'entourer quatre fois au risque de transpercer la feuille de la pointe de son Bic.
Mais d'où nous vient cette expression coupable.
Pour une fois, la réponse est simple. Si les grands auteurs se laissent parfois aller au néologisme, c'est d'habitude à des fins humoristiques, et non rhétoriques. Rappelons-nous le merveilleux déponter de Daniel Pennac dans sa merveilleuse Fée Carabine. Si cette expression se répand de plus en plus, c'est la faute aux journalistes, particulièrement ceux de la télévision et de la radio, qui en use et en abuse comme si c'était des choux à la crème. Si bien qu'elle est passée rapidement dans la presse écrite, dans les publications scientifiques et jusqu'aux lèvres de nos professeurs... Pédantaille coupable...
Mais ils ont oublié une chose, le rôle moral du journaliste est d'instruire son lecteur, de l'éduquer, particulièrement au niveau de la langue. Pour reprendre Maître Desproges, "L'élever à soi, ne jamais se rabaisser à son niveau"... Mais ne soyons pas défaitistes, ils sont encore nombreux à ne pas se rabaisser à cette illettrisme patent. Félicitons-les! Et vous aussi, avec moi, criez:
Que les amateurs de thé, de textes et de verbe me pardonne cette digression fielleuse, mais je n'y tiens plus. On m'en a trop fait souper, et lorsque cette mauvaise mixture verbale aussi indigeste qu'une tablette de saindoux étalée sur une tranche de pain huilé est assénée avec tant de véhémence, multimédia qui plus est, je n'en puis plus: c'est la logorrhée, la faconde émétique...
Pas plus tard que la semaine dernière, lors d'une formation avec une personne que je respecte au plus haut point, j'ai du subir pas moins de 72 affronts en deux jours (au bout de deux en cinq minutes, je compte ces grossièretés). Aujourd'hui même, lors d'une réunion un peu mouvementée, cette désagréable sensation (perçage de tympan au fer rouge) m'a été assénée par un italien qui, bien que maîtrisant à merveille la langue de Boileau, s'est empressé de livrer une triplette de locutions fautives...
Alors pour lever le voile sur cette expression que j'ai du mal à nommer, que j'ai même du mal à écrire, eh, bien, voilà, je me lance... On ne dit pas "AU JOUR D'AUHOURD'HUI".... Voilà, c'est dit... Ecce contumelia! (Voici l'affront!)
Premier constat: lorsqu'on fiat un requête Google sur cette locution, on tombe sur pas moins de 122 000 occurrences trouvées en moins de 0.41 secondes. C'est dire que cette expression est répandue. Au point que même dans des journaux que je tiens pour sérieux (Le Monde n'est pas en reste), on lui fait la part belle.
Mais que veut dire au jour d'aujourd'hui?
Tout d'abord revenons sur "aujourd'hui". Et à "hui". Hui veut dire, en ce présent jour, aujourd'hui, quoi! Du latin Hodie, aujourd'hui! Donc pour insister, les rhéteurs moyenâgeux ont grandement utilisé le pléonasme, ce jour d'hui/le jour d'hui/du jour d'hui, qui à la longue est devenu, en ce jour d'hui, et le pas n'a pas été long (plusieurs siècles tout de même) pour voir vulgarisé la locution au jour d'hui devenu au fil du temps aujourd'hui (Merci le CNRTL).
Mais pourquoi l'utilisation de ce pléonasme?
En général, ou plutôt à la base, l'interlocuteur nous assène "Au jour d'aujourd'hui" en début de phrase, attribuant un caractère d'irrecevabilité, ou d'inexactitude, d'incorrection, de nuance aux propos qu'il vient d'entendre ou qu'il va émettre. Par simple opposition de principe, il va supposer que son analyse est bien supérieure aux idées habituellement véhiculées ou qu'il est conscient de l'inexactitude de ses propos mais qu'il ne peut faire mieux. Il s'agit de capter l'attention de l'auditoire, non pas par les propos émis, car souvent ils se tiennent, mais par l'absurdité, le non-sens de la locution d'introduction.
Le grand problème, c'est que beaucoup de monde pense que la complexité est le signe des hauts niveaux de langage. De ce fait, ils pensent bien parler français en utilisant ce pléonasme, alors qu'ils font malgré eux cette erreur patente. Pourtant, il existe de nombreuses formes en bon français pour marquer cette aberration: "Que je sache, à ce jour", "Or, à ce jour", "Pourtant, à ce jour"... On peut être plus imaginatif: "D'aucuns pensent", "L'idée de plus en plus répandue que", "L'acceptation générale est", et si vous lisez bien le présent texte, vous verrez que je l'ai ponctué de locutions analogues, tout en évitant bien au jour d'aujourd'hui. Le premier que vous verrez écrire, "D'aucuns pensent", eh bien, croyez moi, il nous montre sa non-adhésion à la thèse annoncée, avec toute la réserve, voire le mépris nécessaire.
Le grand danger avec cette locution est son acceptation générale.
Primo, au jour d'aujourd'hui, forme rhétorique rare et fautive, utilisée au départ par quelques orateurs pour capter l'attention de leur publique, est tant passée dans le langage courant qu'elle semble perdre son sens, pour signifier: en ce jour, à ce jour ou tout bêtement aujourd'hui.
Secundo, si l'expression devient codifiée, il n'est pas difficile de supposer que l'on verra bientôt fleurir les "au jour d'au jour d'aujourd'hui" puis par la suite, "au jour d'au jour d'au jour d'aujourd'hui" et ainsi de suite... Plaignons nos enfants!
Tertio, c'est une erreur, un pléonasme, et il n'y a aucune raison qu'il ne soit pas sanctionné comme faire se doit. La première maîtresse d'école voyant cela dans la rédaction d'un de ses élèves de primaire aura tôt fait de la soulignée de rouge, voire de l'entourer quatre fois au risque de transpercer la feuille de la pointe de son Bic.
Mais d'où nous vient cette expression coupable.
Pour une fois, la réponse est simple. Si les grands auteurs se laissent parfois aller au néologisme, c'est d'habitude à des fins humoristiques, et non rhétoriques. Rappelons-nous le merveilleux déponter de Daniel Pennac dans sa merveilleuse Fée Carabine. Si cette expression se répand de plus en plus, c'est la faute aux journalistes, particulièrement ceux de la télévision et de la radio, qui en use et en abuse comme si c'était des choux à la crème. Si bien qu'elle est passée rapidement dans la presse écrite, dans les publications scientifiques et jusqu'aux lèvres de nos professeurs... Pédantaille coupable...
Mais ils ont oublié une chose, le rôle moral du journaliste est d'instruire son lecteur, de l'éduquer, particulièrement au niveau de la langue. Pour reprendre Maître Desproges, "L'élever à soi, ne jamais se rabaisser à son niveau"... Mais ne soyons pas défaitistes, ils sont encore nombreux à ne pas se rabaisser à cette illettrisme patent. Félicitons-les! Et vous aussi, avec moi, criez:
Honni soit qui utilise ce terme!
4 commentaires:
Je ne peux qu'approuver. Honni soient ces cuistres qui dévoient la langue de nos Paires!
Très intéressant ce billet, même si je n'avais jamais entendu cette expression! :-O
Allie, ton message me remplie de la joie immense de voir que cette hérésie n'a pas (encore) traversé l'Atlantique.
C'est au final une expression assez nouvelle. Si je l'avais entendu très rarement jusqu'il n'y a pas deux ans, il est très rare qu'elle ne sorte pas une fois dans un journal télévisé, dans une interview politique.
Espérons qu'elle meure dans l'oeuf, mais vue sa propagation comparable à celle d'une grippe au mois de décembre, j'ai peu d'espoir.
Cet article me ravit, particulièrement par son aspect anti-démagogique. L'éducation ou l'enseignement ne peuvent en effet pas consister à niveler tout le monde vers le bas et la responsabilité est grande pour les parents, enseignants, journalistes et même et surtout "écrivains" ponctuels par le biais des blogs et d'internet. On peut ajouter dans les expressions à pourchasser "quelque part" dans son acception faussement psychanalytique quand on ne sait plus de quoi et d'où l'on parle, "tout à fait " tous les 2 mots... et n'oublions pas les fautes d'orthographe.
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