lundi 14 décembre 2009

Taxonomie

Un texte de Borges cite une certaine encyclopédie chinoise appelée "Empire Celeste du Savoir Eclairé" où il est écrit que les animaux se divisent en :
a) appartenant à l’Empereur,
b) embaumés,
c) apprivoisés,
d) cochons de lait,
e) sirènes,
f) fabuleux,
g) chiens en liberté,
h) inclus dans la présente classification,
i) qui s’agitent comme des fous,
j) innombrables,
k) dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau,
l) et cætera,
m) qui viennent de casser la cruche,
n) qui de loin semblent des mouches.

A méditer...

vendredi 4 décembre 2009

D'une année sur l'autre

Mon dernier passage chez Thés de Chine date maintenant de tout juste deux semaines, mais je sens que je vais bientôt y repasser... peut-être pas plus tard que ce soir.

C'était un de ces passages nécessaire de réapprovisionnement bimensuel. J'ai la chance de vivre avec quelqu'un dont la consommation de thés rouges de la rue Saint Germain pourrait presque, à elle seule, faire tourner cette maison dont la qualité des thés, et encore plus l'accueil chaleureux, ne sont plus à vanter...

Les nouveaux oolongs de l'Anxi étaient encore en transit; pourtant j'attendais depuis un bon bout temps l'arrivée du Guan Yin Wang. Cette année, Vivien a réussi à obtenir une récolte de 1,2kg, récolte effectués sur une seule journée... Je ne me souviens plus de la date exacte.

Pour me garder en haleine, j'ai reçu en cadeau 10g de son nouveau Tie Guan Yin, du même producteur, récolté sur une semaine fin octobre. De quoi faire une petite comparaison avec sa récolte de l'an dernier, dont il me reste 25g.



J'ai donc pu faire deux test avec les feuilles à ma disposition: un en zhong, et l'autre en théière. Les deux test valent le coup, car ils révèlent une personnalité tout a fait différente du thé...



A l'aspect des feuilles, on voit bien que la récolte de l'an dernier a déjà vieilli. Les feuilles se sont assombries et sont beaucoup plus ternes. La nouvelle récolte est quant à elle d'un vert éclatant, très luisant. Dans chaque récolte, les tiges ont été coupées très court, trop court peut-être même, mais c'est devenu l'habitude en Anxi. Le thé a tout de même une très belle structure.
Ce vert beaucoup plus prononcé est aussi le signe d'une oxydation plus légère, et ça se confirme aux infusions.



Donc deux types d'infusions, commençons par le gaiwan:
La liqueur est caractéristique de fleurs blanches pour les deux thés.
Celle de la récolte 2008 est beaucoup plus captieuse. On commence à sentir les signes de l'âge: le thés commence à devenir herbeux, plus rêche sur la langue et dans la gorge qu'il y a encore quelques mois. Ça reste un très bon thé. La liqueur est aussi très sucrée.

La récolte 2009 est assez différente. Au nez, c'est fleuri, très fleuri... à en embaumer toute la pièce... Alors qu'on avait un plein de notes fleuries fondues dans la précédente récolte, là, on a des pôles fleuris bien plus distincts, plus clairs, identifiables si mon nez était mieux habitué aux fleurs. La liqueur est très fraîche, un peu moins sucrée, mais avec une note assez inhabituelle: un for pôle marin, vous savez, cette note pelure de melon que l'on retrouve dans les verts. M'est avis que l'oxydation a été plus courte...
Puis passons à la théière:
Pour l'ancienne récolte pas de surprise, très peu de différences avec le gaiwan.

La nouvelle récolte, c'est autre chose: le pôle marin s'est beaucoup estompé. Et l'une des note florale explose, on est face à un bouquet de jasmin fraîchement coupé... On a beaucoup de matière: c'est assez intéressant. Sans être un thé très complexe, on a un thé qui vaut le coup.
Je suis assez étonné par ce changement de comportement assez impressionnant entre la porcelaine et la terre...
Pour l'instant ce ne sera pas un achat, j'ai encore une petite réserve de TGY, et ce sont des thés qui se consomment frais. Je préfère me garder pour le Guan Yin Wang. Mais peut-être dans quelques mois, j'y songerais un peu plus sérieusement...

lundi 12 octobre 2009

Eclipse de flamme

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours; Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards.

Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire ;
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois.

Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
À ses regards voilés je trouve plus d’attraits :
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais. [...]

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau !
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel :
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ! [...]

Alphonse de Lamartine,
L'Automne

Le soleil noir d'octobre n'ose darder ses traits tiédis, et déjà sonne le glas des aurores d'été.

Bientôt, malgré ma constitution sibérienne, il faudra me faire raison, et abandonner ces instants magiques où les premiers rayons tout sucrés d'une aube estivale accompagnait mon éveil au sortir d'une nuit sans sommeil: des instants solitaires où je sourdais de la torpeur nocturne, au milieu de la nature ouvrant l'oeil, offrant les volutes d'un thé au jardin secret au pied de mon balcon.

Depuis quelques jours, la flamme avait remplacé les traits solaires pour lueur matinale, et bientôt les brumes glacées d'un triste novembre devront me résigner à abandonner la fraîcheur d'une ville qui s'éveille pour la chaleur moelleuse d'un intérieur parisien. Les odeurs de sous-bois de ce pu-ehr du matin se mêle à la terre humide et aux feuilles d'automne

Et comme pour figer ce dernier instant, cette flamme de bougie matinal m'a offert un spectacle magnifique, l'éclipse de sa flamme par le bouton de ma théière...





dimanche 23 août 2009

Au ban l'horrible vieux vert...

Le monde du thé véhicule une certain un certain nombre de poncifs qui ont la vie dure. Combien de fois avons-nous entendu que les sheng ne valent rien avant une vingtaine d'année, que le thé en vrac n'est apparu que sous la dynastie Ming, de même que les théières, que sous le Song Dai, on ne buvait que du MoCha (macha)?

Combien de fois avons nous entendu que les thé verts ne se conservaient pas plus de six mois? Et que les thés verts ne s'infusent qu'à 75°C, sous peine d'avoir une liqueur d'une astringence inhumaine...

La première fois que j'ai essayé de tordre le cou à cette idée bien ancrée, ce fut avec un reste de mon premier primeur, un Liu An Gua Pian, dont j'avais oublié un fond de paquet il y a 5 ans, et que je regoûte à l'occasion pour voir ce qu'il devient... Autant vous dire que je ne l'ai pas jeté ce fond de paquet-là!

La seconde fois, c'était il y a quelques semaines, lors du passage à Paris de Stéphane, où nous avons organisé un petit Cha Xi aux alentours du Jardin d'Acclimatation, avec un Xi Hu Long Jing que lui avais offert Chih Jung Sien.

Et jamais deux sans trois, je voulais retenter l'expérience, avec un autre thé ver que je garde depuis maintenant deux ans et demi: un Yong Xi Huo Qing de 2007 (PdT). C'est dire si j'ai choisi le thé le plus commode et le plus difficile à louper. Très vert à l'origine, il développe naturellement une fine astringence qui ne pardonne pas les eaux trop chaudes. Mais il faut de l'audace lorsqu'on décide de faire de telles expériences.

Pour pousser l'audace, j'ai choisi ma théière réservée aux (jeunes) sheng, et de l'eau déjà bien ouverte (environ 90°C). J'ai aussi choisi comme bateau à thé ma nouvelle assiette ancienne en porcelaine de Cizhou (j'ai aussi trouvé un encensoir apparié qui me sert de Za Fang). Et pour l'ambience, j'ai décidé de faire résonner sur mon balcon les concerti pour Violoncelle de Bach...

Je sais, ça frise l'hérésie, un horrible vieux vert, une eau bien trop chaude, une théière en terre: l'horreur est assurée... C'est un remède de choc pour anesthésier des papilles... Non?

Eh bien, que nenni!

Le thé dans son sachet hermétique sens encore très bon. Malgré son grand âge - plus de deux ans - on sent encore les puissantes notes verts qui lui donne son nom (Feu Vert du Yong Xi). On sent aussi plus qu'avant des notes de torréfactions, et une belle présence iodée.

Dans la liqueur cette note iodée prend toute son importance, donnant des idées de pelure de concombre ou de melon. C'est une note que j'ai l'habitude de retrouver dans les très jeunes sheng. Et je pense que la comparaison est bonne, tant ce thé me fait penser à ces jeunes pu ehr... Le thé est très doux; malgré la température, l'astringence reste très subtile et réhausse en douceur la rondeur du thé.

Le côté herbe fraiche de son enfance ont disparu, mais des notes fleuries se font sentir en pointillé. Comme pour mes essais avec le Gua Pian, des sensations épicées se font sentir une espèce de piquant poivré bien agréable...

Il m'aura donné huit belles infusions, allant du concombre poivré au melon d'eau au miel...

Moi, je suis convaincu: on peu garder un thé vert, alors, s'il vous reste des fonds de sachets, et que votre nez vous dit qu'il y a encore de la matière, avant de les jeter, essayez de les faire vieillir, une surprise sera peut-être au rendez-vous...

Attention, je ne dis pas que tous les verts, même très bons, vont bien se garder, j'en jette en fin de chaque saison....

lundi 27 juillet 2009

Saint Kilda, Livre I: les esprits d'Hirta

Nous sommes au milieu du XIXe siècle. Depuis plus de mille ans, l'archipel éloigné de Saint Kilda, au large des hybrides extérieures, vit en totale autarcie, grâce à l'appui d'un clan écossais puissant, les Mc Load. Dans un environnement très hostile, en plein milieu de l'Atlantique, presque inaccessible l'été et complètement coupée du monde l'hiver, cette société recluse, composée majoritairement de femmes, qui vit sans règles figée et où toute décision naît de la volonté commune, semble être une représentation de l'Utopie de Mann.

Darius Kingsley, jeune étudiant étudiant oisif, ose pour défier son père présenter une thèse de biologie prouvant la théorie fort décriée de l'évolution des espèces. En représailles, son père fait annuler sa thèse et l'envoie pour un voyage d'étude de deux ans sur cette île désolée.
Mais la société qu'il y trouve est très éloignée de cette vision utopique: le pasteur de la communauté, débarqué sur l'île il y a une vingtaine d'années, maintient volontairement la population dans l'ignorance et dans un mysticisme malsain, assoyant son pouvoir sur la peur de Dieu et des Esprits...

Cet après midi, alors qu'on passais devant le MK2 Quai de Seine pour voir si un film nous tentait, nous avons dû nous abriter d'un grosse averse, devinez... dans la librairie du Mk2... Mauvaise idée... Je n'ai pu m'en empêcher, j'ai craqué pour une bande dessinée.

Cette nouvelle série de Pascal Bertho et de Chandre, publiée aux éditions Atmosphère prend racine sur des faits historiques réels: l'autarcie de la population de l'archipel, son mode de vie et les phantasme philosophique que cette communauté a généré chez les philosophes de l'époque... Mais dessus se greffe une histoire bien plus scabreuse que je vous laisse découvrir. Avec en prime les trois premières planches trouvées sur le blog du dessinateur.
Une patte nette, une histoire noire et empreinte de mystère, tout ce que j'aime... Pour ma part, j'attends le deuxième tome.

lundi 22 juin 2009

Une tasse de thé pour le général.

A quelques kilomètres à l'ouest de Shizuoka, deux torrents alpins, la Warashina-gawa et la Asahina-gawa, produisent un brouillard très dense qui enveloppe les montagnes alentours. Et c'est grâce à ces conditions uniques que tout autour d'une même montagne, sont nés les plus grands noms du thé japonais.

Au Japon, la tradition dit que le premier théier y a été planté par le moine Ei Sai en 1211. C'est l'une des premières plantations mentionnée dans les chroniques. Le troisième Seii Taishogun Tokogawa Ieyasu le fondateur de Edo, ayant gouté ce thé, avait décidé d'y construire sa réserve de thé, et s'est fait enterrer non, loin de là, à Sunpu (Shizuoka).

Aujourd'hui, la Warashina est connue pour ses productions rares et confidentielles, sur de petites plantations qui privilégient la qualité... Ces plantations sont visibles du ciel sous Google Map.

Cette année, le Palais des Thés, réservée à quelques boutiques parisiennes, dont rue Vieille du Temple, a réussi à dénicher un tout petit lot de ces thés d'exception que sont les Hon San Warashina Shincha.

Les feuilles sèches sont assez exceptionnelles: même dans les meilleurs shincha que j'ai goûte, je n'ai jamais vu une telle régularité dans les aiguilles, peu cassées, pliées à la perfection, d'une couleur "if" profonde régulière, à l'odeur végétale, marine, florale et déjà très beurrée.

C'est partis pour quatres infusions de deux minutes, à 60°C environ (je préfère diminuer la température et allonger un peu le temps, c'est d'habitude plus épais). Les feuilles infusées sentent fortement les légumes à cosse cuit, l'iode et les notes marines, elles ont aussi un goût très doux; j'avais malheureusement pas de sauce soja pour me faire une petit plat! Mais passons, place au thé!

C'est très doux, épais, rond et très long, et l'umami éclatant et omni-présent amplifie ces sensations. La première note est un fort goût de pois au beurre, certainement des fèves, sur une trame de poisson marin, du lieu noir? A sela s'ajoute de fortes notes vertes et fraiches d'herbe et de menthe. Plus loin, quelques fleures et un peu de zeste.

Sur les infusions suivantes, le poisson prend plus de place, et la fraicheur menthée tient bien. Mmmh!

Cette petite douceur est un peu chère, mais c'est l'un des meilleurs thés japonais que j'ai goûté. Un petit chef-d'œuvre aux notes japonaises éclatantes.

Merci Hojotea et l'office du tourisme de Shizuoka pour les photos.
Voilà un endroit où j'aimerais bien passer avant une ascension de Fuji-san