lundi 24 novembre 2008

Also Sprach Zarathustra

Als Zarathustra dreissig Jahr alt war, verliess er seine Heimat und den See seiner Heimat und ging in das Gebirge. Hier genoss er seines Geistes und seiner Einsamkeit und wurde dessen zehn Jahr nicht müde. Endlich aber verwandelte sich sein Herz, - und eines Morgens stand er mit der Morgenröthe auf, trat vor die Sonne hin und sprach zu ihr also:



Also begann Zarathustra's Untergang.

Lorsque Zarathoustra eut atteint sa trentième année, il quitta sa patrie et le lac de sa patrie et s’en alla dans la montagne. Là il jouit de son esprit et de sa solitude et ne s’en lassa point durant dix années. Mais enfin son cœur se transforma, — et un matin, se levant avec l’aurore, il s’avança devant le soleil et lui parla ainsi [...] Ainsi commença la descente de Zarathoustra. (Le premier qui me parle de lion ou de cinéma file direct au coin... Puni! Et pas de Jukro au goûter...)

Comment mieux débuter ce thé que par un lever de soleil...

Troisième tome de la série des thés rouges que je découvre en ce moment, et certainement le plus exceptionnel. Il s'agit du Jukro du Palais des Thés, une petite merveille, un thé noir coréen, du comté littoral de Hadong, tout au sud de le Corée, et rien que cela mérite d'être souligné. En effet, la Corée produit essentiellement des thés verts, parfois compressés (Ddok Cha), extrêmement rares et essentiellement vendu sur le marché japonnais. Pour la petite histoire, le Jukro Cha a la réputation d'être une varitété spéciale de thés verts fait à partir des premiers théiers à avoir été historiquement planté en Corée. Et la version noir est réputée être le meilleur thé noir de Corée, entièrement récolté et transformé à l'ancienne.


Les feuilles sont noires, avec quelques reflets vert sombre. Elles sont légèrement torsadées, fines longues et très délicates. A l'odeur, après une petite note végétale, c'est du cacao et de la vanille plein le nez, et lorsqu'elles sont réchauffées, on croirait mettre son nez dans une boite de Van Houten, très chaud et aussi légèrement boisé. Une fois infusées, elles sont de couleur chocolat, et aux fortes notes cacaotées, chocolatées et vanillées s' ajoutent des notes de beurre, de lait et de crème, et une petite acidité fruitée.

La liqueur est relativement clair pour un thé rouge, de couleur orange doré. Des notes cacaotées puissantes et une douceur vanillée s'en dégagent. En bouche, le thé est très présent, très rond, avec une texture poudrée, on pourrait même y trouver une mâche qui rappelle un peu les thés des rochers ou les oolongs torréfiés. Et de la longueur à n'en plus finir. On s'en souvient le lendemain matin au réveil. La puissance aromatique est impressionnante, en comparaison, les autres thés noirs que je vous ait présenté me semblent fades et insipides. Du cacao à n'en plus finir (pas du chocolat, j'ai bien dit du cacao), une grande douceur de vanille et de crème fleurette chaude, presque de crème aux œufs maison. Par certains côtés, ça me rappelle les cuillères de Nesquick avalées à pleine cuillers (Ah! la jeunesse...). Sur la seconde infusion, des notes miellées, cirées et boisées apparaissent, et quelques notes de fruits, de prune peut-être? Et ce cacao qui reste en bouche pour des heures...

C'est tout simplement un thé exceptionnel, d'une puissance aromatique comme je n'en n'ai jamais rencontrées, sans aucune mesure, une chaleur extrême, réconfortante, de la gourmandise à l'état pur... Une merveille...

En passant, une photo des touts premiers gâteaux de Noël, cette année on a commencé par des butterbredla et des Zimtsternla (mais pas en forme d'étoile), et j'ai Célia a enfourné des Schokolàkegala (boule au chocolat)... Un délice...

vendredi 21 novembre 2008

Ma mère me disait: "Pas de sucreries avant d'aller se coucher"

Continuons ce petit voyage au pays de l'or noir quelques milles kilomètres plus au nord. Cap sur le Sichuan pour un Chuan Hong Mao Jian, un bourgeon duveteux des rivières. C'est une petite merveille que la Maison des Trois Thés a découvert l'an dernier et qui avait disparu en pas même deux mois. Cette année, ils en ont fait venir 20 kg, mais d'après Gilles, les stock sont déjà bien entamés... Étonnant, non?

En ouvrant la boite se dégage une odeur douce, des notes chaudes, un peu épicées, légèrement caramélisées, rappelant des notes de torréfaction douce. Et là, c'est la surprise: les feuilles sont minuscules, d'une finesse incomparable au point qu'elles semblent toute fragiles (sur la photo, il y a bien un rapport x2 avec la réalité), et surtout énormément de bourgeons dorés. Vous me direz: Normal pour un Mao Jian! A propos, quelqu'un saurait-il la différence entre mao jian et mao feng?Je dose généreusement et je veille bien à ce que mon eau soit très chaude. Les feuilles infusés ont une odeur douce et mielleuse très agréable, sans avoir la complexité d'autres thés noirs...

J'ai remarqué depuis une semaine qu'avec ma nouvelle petite théière en porcelaine (35 cl), j'ai un rendu magnifique sur ce type de thés, beaucoup de rondeur et de mielleux, et une palette aromatique qui arrive très bien à s'exprimer, beaucoup mieux qu'avec mes théières plus grandes ou qu'au gaiwan.

La liqueur est dorée, orange très clair. Et Dieu qu'elle sent bon, c'est tout doux, presque une caresse. Tout d'abord du miel de sapin, très doux, presque caramélisé et légèrement boisé. Puis vient une odeur un peu fruitée. En bouche, après avoir réussi à traverser cette douceur intense, c'est des notes fruitées qui apparaissent, une note subtile de fraise et de prune caramélisée. Et quelque chose de fruit sec, l'amande ou la noisette, mais tout doux, sans rien d'agressif, comme dans un Elisenlebkuchen, à moins que ce soit le mielleux qui me fasse retrouver ces sensations de mes pérégrination à Nürenberg. Le tout sur un fondu subtile et lointain mais bien discernable de chocolat et de vanille... De la gourmandise à l'état pure...

La seconde infusion est encore plus gourmande. C'est comme si toute la douceur semblait se réveiller et qu'elle n'avait laissé entrevoir qu'une petite part de sa grande puissance. En bouche, la texture est très ronde, longue, très fine et très douce, une sensation de sucre glace en bouche. Vous savez à quoi ça me fit penser? A de la guimauve, ou bien à du loukoum...

Mais quand j'étais petit, ma mère me disais, pas de sucrerie avant d'aller se coucher. Pourquoi? Le sucré, ça tient réveiller, alors tout ce thé noir (trois théières en tout) à la douceur extrême associé à mon mal de dent latent depuis quelques jours (une dent de sagesse qui se manifeste, la méchante)... Je n'ai dormi qu'une heure dans la nuit...

Il faut toujours écouter ses parents....

lundi 17 novembre 2008

L'or noir du Xishuangbanna

N'ayez peur, même si ma profession est assez directement liée aux énergies fossiles, je ne vais pas vous parler d'huiles lourdes. L'or noir en question a quelque-chose de beaucoup plus envoûtant...

Le Yunnan est bien connu pour ses pu ehr. Ses thés noirs aussi dans les régions de Simao et de Feng Qing. Mais le Xishangbanna est bien le fief incontesté des galettes de thé depuis des temps innénarables. Donc quel n'avait pas été ma surprise lors de ma dernière commande chez Yunnan Sourcing (une brique de Xiaguan 2007, deux mini-galettes de Gong Ting 2005, un morceau de melon de 2001 comme thé de tous les jours et de la dinette) de recevoir en cadeau un bel échantillon (50g) de Dian Hong du Xishuangbanna. Ce thé du tout début du printemps 2008 provient du village de Pu Wen, à la frontière avec le Simao.

Jusqu'alors, à part le luanze oolong rouge de Stéphane, les thés rouges étaient classés dans la gamme des mauvaises expériences. Mais à ma grande surprise, j'ai trouvé un thé très intéressant, qui m'a redonné envie de découvrir cette grande famille. Les feuilles sont composés de bourgeons et de premières feuilles (environ 50-50), sans aucune brisure, leur couleur va du brun profond au doré et ont une odeur douce, légèrement boisée.

Mais avant d'aller plus loin, une petite chanson de la Tordue (je sais, sacrées références...):

Sous les étoiles de septembre
Notre cour a l'air d'une chambre
Et le pressoir d'un lit ancien
Grisé par l'odeur des vendanges
Je suis pris d'un désir étrange
Né du souvenir des païens

Couchons ce soir tous les deux sur le pressoir
Dis faisons cette folie
Couchons ce soir tous les deux sur le pressoir
Margaux, Margaux ma jolie


Mais où est donc le rapport? Et bien justement, il est là, sur ces souvenirs des païens, sur ce pressoir. Une fois réchauffées par la vapeur de la théière chaude, une odeur emplit la pièce, celle du muscat ou du traminer, accompagnées des odeurs boisées du pressoir ancien, cette odeur de jus ruisselant de la presse jusqu'en la tonne, ce raisin nouveau encore chargé de ses odeurs de presse et des années de vendanges...


J'ai fait deux essais d'infusion, la première en gaiwan... et ce matin en grande théière, que j'ai acquise samedi soir au Palais des Thés répondant au doux prénom féminin de Midori rappelant la couleur verte. Deux infusions totalement différente...

Les feuilles infusées rappellent très nettement ce muscat et cette presse, accompagné d'une odeur très douce, dans un premier temps. Puis demi-tour complet: Mars... et ça repart, chocolat, caramel, amandes, comme la barre chocolatée... Changement de cap... ça vire au Nesquick... (Ah! les desserts de notre enfance...) Etonnant, non?

La liqueur coule orange-dorée de la théière... A l'odeur, on commence à nouveau par cette odeur de vendange (les feuilles radotaient: Vous allez voir ce que vous allez voir!) puis apparaissent des odeurs cacaotées, chocolatées et caramélisées puissantes... Au goût, c'est très malté, un peu cacaoté dans un premier temps, puis ça vire au chocolat avec une pointe de vanille et ça finit au fil des tasse sur une grande douceur miellée et caramélisée, laissant en bouche un goût caramélisé et boisé.


Mais en parallèle de cette douceur, on a de la puissance qui nous emplit, un chi phénoménal, peut-être trop, même pour réveiller le matin. Décidément ce n'est pas un thé du soir... nuit blanche garantie.

Au gaiwan, on est sur une liqueur différente. Les odeurs et goûts de pressoirs sont beaucoup plus présents et tenace. Le chocolat n'est pas là, ou à peine, le malt est puissant et la douceur de caramel met du temps à pointer son nez...

Voilà une belle révélation qui m'a donné envie de me plonger dans les rouges de Chine. Son seul inconvénient, c'est qu'il manque à ce thé puissant et aux nombreuses facettes un peu de finesse, de subtilité...

jeudi 13 novembre 2008

Oncques Oncques Oncques...


Oncques ne vit biche au bois
Oncques ne vit singe au joli minois
Oncques ne faucon caressoit
Oncques, Oncques, Oncques...

Que dis-je, Hong, Hong, Hong...

Parfois, je me demande où mes délires paraphréniques arrivent à me pousser. Soit dit en passant, si oncques sait d'où vient cette courte stance, je suis prêt à le remercier comme ce doit... Desproges et Pen Of Chaos ne seront pas acceptés, mais je suppute bien quelque bestiaire médiéval, peut-être Villon, mais je n'ai jamais réussi à le retrouver.

Je disais donc: Hong Hong Hong...

Vous l'aurez peut-être deviné, j'ai envie de vous parler de trois Hong Cha, deux thés rouges chinois et un coréen que je côtoie ces derniers temps: un Chuan Hong Mao Jian (M3T), un Xishuangbanna Dian Hong (Yunnan Sourcing) et un thé rouge de Jukro (Palais des thés).

Comment dire... Jusqu'il n'y a pas longtemps, les thés noirs, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé - oups, un jeu de mots facile et surtout totalement involontaire... Serait-ce dû aux thés en sachets que l'on m'a souvent forcé d'ingurgiter (les thés, pas les sachets), cela viendrait-il de tous ces horrible Assam ou Darjeelings que j'ai goûté dans ma vie? Toutefois est-il que j'ai eu ces derniers temps très envie de retenter l'expérience. Je sais, le rouge à base de Luanze oolong de Stéphane n'y est pas pour rien. Les descriptions de Alain non plus.

Des thés exceptionnels dont je vais vous parler ces prochains temps, et qui ont vraiment changé mon point de vue sur les thés rouges... Et peut-être quelques autres s'y grefferont...

El Desdichado

Je suis le ténébreux, — le veuf, — l’inconsolé,
Le prince d’Aquitaine à la tour abolie :
Ma seule
étoile est morte, — et mon luth constellé
Porte le
Soleil noir de la Mélancolie.
Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie,

La
fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s’allie.


Suis-je Amour ou Phébus ?… Lusignan ou Biron ?

Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;

J’ai rêvé dans la grotte où nage la syrène…


Et j’ai deux fois vainqueur traversé l’Achéron :

Modulant tour à tour sur la lyre d’Orphée

Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.



Vous devez très certainement vous demander: mais pourquoi nous boursoufle-il les oreilles avec ce sonnet abscons de Nerval? Pourquoi? Pour l'intrigue... Car c'est l'intrigue d'un roman de Fred Vargas: Sans feu ni lieu .

Pourquoi Louis Kehlweiler dit l’Allemand, Marc, Lucien et Mathias, les « Évangélistes » de Vandoosler le Vieux, tiennent-ils à sauver Clément Vauquer, vingt-neuf ans, traqué par toutes les polices de Nevers et de Paris, un détraqué accusé des assassinats effroyables d’au moins deux jeunes femmes ? Peut-être que la réponse est dans ce poème...

Un nouveau polar de Fred Vargas - je les dévore en ce moment - avec, comme toujours, une écriture coupée au couteau: décalé, absurde, drôle et parfois tendre pour une histoire rondement menée.

Os

Embusqué sur le banc 102, place de la Contrescarpe, pour une sombre affaire politique, celui de la Contrescarpe, Louis/Ludwig Kehlweiler, dit « l’Allemand », ancien flic de l'Intérieur maintenant à la retraite , mais encore tracassé par quelques affaires qui le suivent, avise une drôle de « bricole » blanchâtre égarée sur une grille d’arbre, lavé par l'orage de la veille…

Ce petit bout d’os humain – car il s’agit bien de cela, la dernière phalange d'un orteil provenant d'un individu de sexe féminin ayant séjourné dans les intestins d'un chien – l’obsède. Pour lui, il n'y a aucun doute, le corps auquel appartient ce morceau d'os, doit pourrir dans un coin. Mais où? À Paris? Dans la banlieue? Ou à des milliers de kilomètres de là? Cette obsession lui fait oublier ses enquêtes parisiennes. À force de ténacité, il remonte la piste jusqu'en Bretagne et atterrissent dans un bled où Louis va retrouver son passé, un village perdu au bout de la Bretagne, entraînant avec lui Saint Marc, l'un des évangélistes de Vandoosler.

Fred Vargas est une vraie maîtresse de l'intrigue à la française: enchevêtrée, trouble, complexe, original, drôle, absurde... et partant une origine des plus banales, un simple bout d'os déféqué par un chien. Et elle nous fait suivre ce petit bout d'os des grilles d'arbre de la capitale jusqu'à une grève bretonne. Comme toujours, des personnages hauts en couleur, des descriptions et des dialogues très travaillés... Une belle réussite.

lundi 10 novembre 2008

Les trois évangélistes

Marc Vandoosler a le front appuyé à la grille d'une vieille bâtisse abandonnée du Vème. Il est dans la merde: universitaire sur le déclin (historien médiéviste), divorcé, sans le sous, en fin de bail, un vieil oncle à charge, un ancien flic pourri... Il a trouvé un bon plan, cette vieille bâtisse à louer pour une bouchée de pain, mais dans sa situation financière, il lui manquait encore les deux tiers du loyer. Il pense à deux autres connaissances, Matthias, un paléontologue, et Lucien, un fêlé de la Grande Guerre. Normalement, ça ne fait pas bon ménage, ces mélanges de périodes historiques, mais ça le fait bien marrer de voir ces deux anciens acolytes dans une merde aussi grande que la sienne. Les trois acolytes emménagent dans "la vieille baraque pourrie" avec le vieux Vandoosler, qui les appelle affectueusement, saint Marc, saint Matthieu et saint Luc, les trois évangélistes.

Tout commence avec un arbre, un jeune être, qui a poussé une nuit dans le jardin d'une vieille cantatrice, Sophia Simeonidis. Elle se résigne à demander à ses nouveau voisins qu'elle espionne depuis quelques temps de creuser une tranchée sous l'arbre, contre 30 000 francs, pour voir s'il ne cacherait pas quelque-chose: un cadavre peut-être? Peu après, la cantatrice disparaît, mais sa nièce, arrivée à qui arrive à Paris peu après sa disparition ne veut y croire; et les évangélistes décident de mener l'enquête. Début de l'histoire.

C'est le second Vargas ("Debout les morts") dans lequel je me suis plongé. Malgré la mauvaise critique, j'ai beaucoup aimé. Les personnages sont originaux, certaines scènes sont ubuesques, l'intrigue cherchée et pleine de rebondissement, malgré quelques longueurs. La fin est impossible à prévoir (Connaître la fin dès les 100 premières pages, c'est une chose qui m'énerve souvent dans les polars et qui m'avait détourné de ce genre).

Un bon livre, qui se lit bien, et qui m'a incité à continuer sur un troisième tome...

vendredi 7 novembre 2008

Cito, Longe, Tarde

Voici un livre que je ne pensais pas lire, très loin de mes lectures habituelles... Cito, Longe, Tarde: Vite, Loin, Longtemps, voici les conseils d'Hippocrate pour se prémunir contre la peste, et les seuls que l'on connaissais au moyen-âge, à part le diamant porté à l'annulaire gauche.

Pars vite et reviens tard... Je me suis donc lancé dans ce roman de Fred Vargas, et je l'ai dévoré.

Pour avoir rossé un armateur responsable de la mort de deux marins, Joss Le Guern, capitaine du chalutier Le Vent de Norois, a connu la prison, puis le chômage avant d'échouer à Paris et de devenir "crieur", place Edgar Quinet. Trois fois par jour, Joss relève les messages, accompagnés de pièces ou de billets, que ses clients ont déposés dans sa boîte et, trois fois par jour, perché sur une estrade, il crie les nouvelles devant les habitués du quartier. Un jour, Joss découvre dans sa boîte une étrange missive qui se révèle inquiétante. Au début, il ne pensais pas la lire, mais bon, chez les Le Guern, on est peut-être des brutes, mais on n'est pas des brigands. Et il la lit. Et les messages reviennent... Un plaisantin ou un cinglé ? Son ancêtre murmure à son oreille : " Fais gaffe à toi, Joss. Il n'y a pas que du beau dans la tête de l'homme. " Certains textes sont en latin, d'autres semblent copiés dans des ouvrages vieux de plusieurs siècles. Mais tous prédisent le retour d'un fléau venu du fond des âges...

En théorie, c'est un polar... Mais ce texte est étonnant: une histoire très recherchée, un enchevêtrement de personnages, et aucun n'est laissé de côté, tous fouillés en profondeurs, et chacun a la part belle. L'écriture est un peu noire, poussée dans la psychologie de personnages qui n'ont pas été épargnés par la vie, et pleine de savoir... Lorsqu'on entre dans l'histoire, on ne peut en sortir. Un coup de coeur inespéré... Et un auteur que je veux maintenant découvrir.

mercredi 5 novembre 2008

I 'd prefer not to...

Ah Bartleby! Ah humanité! Voici les derniers mots de l'une des nouvelles les plus connues de Herman Melville. Vous savez, le bonhomme avec la grosse baleine, Non?

Une histoire bien étrange que Bartleby le scribe :
Un avocat de la finance nous raconte une anecdote assez troublante qui lui est arrivée. Son affaire est florissante, mais n'arrive à fonctionner que parce que ses deux clercs sont complémentaire. Turkey, invétéré soiffard, n'est assez sobre pour travailler que le matin, alors que Nippers est d'humeur exécrable avant le repas de midi. Parce qu'il se fait vieux et que la charge de travail augment, il décide d'engager un nouveau scribe.
C'est ainsi qu'un matin, Bartleby se présente à lui. Il engage cet homme bien mis, discret et travailleur. Mais au bout de quelques temps, le scribe ose refuser un travail d'écriture que lui donne son patron: J'aimerais mieux ne pas... (I'd prefer not to) Et le scribe s'enferme dans ce gimmick, et dans ce refus de tout, un refus polis, voilé, mais inéluctable, qui désempare son patron, au point qu'il n'ose le licencier...

Ça faisait longtemps que je désirais lire cette nouvelle, et voir de plus près ce qu'étais réellement le Bartlebisme, cette maladie textuellement transmissible sont souffre le Petit dans Des Chrétiens et des Maures... C'est une nouvelle désopilante, où l'on est happé; on suit le désarroi de l'avocat, et l'on ne sait plus que faire de ce Bartleby... Ce n'est pas un coup de cœur, mais j'ai bien aimé... C'est un livre qu'il faut avoir lu. Ce qui n'est pas difficile, il fait une trentaine de pages...

lundi 3 novembre 2008

La Porte de la Paix Céleste, Shan Sa

La porte de la paix céleste, ça ne vous dit rien? Allez, faites un effort: en chinois, ça se dit Tien'Anmen...

Zhao le soldat, autodidacte inflexible dévoué au régime, et Ayamei la révoltée, chef de file du mouvement étudiant, courent dans les rues sombres de Pékin. La Place de la Paix céleste est couverte du sang des étudiants. Du sang des enfants de la Chine moderne, élevés dans l'idéologie étouffante du régime maoïste. Ayamei se cache, quitte Pékin, parcourt des milliers de kilomètres, fuit vers la montagne. Inlassablement Zhao suit sa piste. Son acharnement est à la mesure de sa foi dans le régime : aveugle et sans limites. Mais au long du chemin, le soldat tombe sur différents écrits que la jeune fille sème derrière elle. Au terme de cette longue traque, Zhao se laissera-t-il contaminer par la beauté et la poésie ou choisira-t-il d'ignorer la voie qu'Ayamei est en train de découvrir ?

Voici un livre que je voulais lire depuis un certain temps. Une fois encore, Shan Sa nous emmène au beau milieu d'une période trouble de l'Histoire de Chine, le mouvement du 4 juin, qui a vu une manifestation étudiante se faire réprimer dans le sang. Ce livre nous parle d'un événement qui a marqué la vie de Shan Sa:
"Après l’événement Tian An Men, j’ai choisi de renaître en France."

Les mêmes éléments que dans la Joueuse de Go sont rassemblé dans cette traque. Le destin de deux jeunes gens que tout oppose, pour ne pas dire tout affronte, et l'alternance des points de vue au fil des chapitres. On s'attache aux deux jeunes gens dont on sait qu'ils ne pourront se rencontrer que dans la douleur. Même si nous euopéens, nous ne pouvons que prendre partis pour la belle Ayamei, avec tout ce que sa cause puis sa fuite a d'héroïque et de romantique, il nous est impossible de ne pas comprendre le jeune soldat.

Ce livre est une pure merveille que je recommande, à tous ceux qui veulent voir la chine par l'autre bout de la lorgnette, et à tous ceux qui aiment les amours poétiques impossibles .

Ce livre a reçu le prix Goncourt du premier roman en 1998.
Elle nous parle de son livre ici.